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310 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

génie gaspillé, gâché comme à plaisir, faute d'une disci- pline et d'un ordre profond.

Il est bien vain de prétendre que romantique et classi- que sont des mots vides de sens et que le génie se rit de CCS inventions de cuistres. L'œuvre de M""* de Noailles est là pour témoigner tout ensemble des dons les plus surpre- nants et d'un avortement splendîde et tragique. Celle qui pouvait être, que tout semblait, après le Cœur innombrable, désigner pour être le plus grand poète de son temps, ne l'aura été qu'en puissance.

Je porte en moi toute ma chance Comme un flambeau puissant et pur.

Sans doute, mais elle pouvait en embraser le siècle ! Je n'ai certes pas la prétention de réussir là où des critiques plus qualifiés ont échoué, et je pense que M™^ de Noailles n'a besoin de personne pour lui révéler les défauts qui para- lysent son génie. Elle en est tout ensemble orgueilleuse et jalouse et, dans sa révolte romantique, préfère un beau nau- frage à la pure sérénité du port, s'il faut, pour atteindre ce dernier, savoir corriger la direction des vents au lieu de céder à leur violence, et surtout, quand luisent, embau- ment, ou chantent trop fort ou trop longtemps les sirènes impressionnistes, avoir la force de se boucher les yeux, le nez et les oreilles.

M"^ de Noailles a choisi de céder toujours à toutes choses et de nous offrir le spectacle de ses pâmoisons.

Eh bien ! si délicieux, si noble et si surprenant qu'il ait paru d'abord, on s'en lasse comme d'une maîtresse trop démonstrative. Lorsque les cris, les extases, les palpitations se répètent à l'infini, on est enclin à se demander si tant d'ivresse n'est pas un peu pénible et forcée, car l'attitude du bonheur sensuel ne saurait être si longtemps naturelle.

J'ai tenté de marquer quel genre de déception l'œuvre poétique de M""^ de Noailles apporte à tous ceux qui avaient dix-huit ans quand parut le Cœur innotrérabJe et

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