MADAME DE NOAILLES 315
plus nombreux. Ainsi le médiocre se mêle à l'excellent dans le poème :
Je vous avais donné tous les rayons du temps...
et où se trouve un vers que Racine ne renierait pas : Je ne rendrai qaà vous les armes de mon cœur.
Jamais encore on n'avait exprimé ce sentiment com- plexe de la femme qui dispute au temps sa beauté, à force d'ardeur et de passion, et qui se fait un fard de sa propre souffrance :
Déjà mon front plaintif est moins brillant qu'hier,
Mais la douleur ne rend pas laide. Le visage est sacré quand il est âpre et fier...
Voilà qui suffit à m'émouvoir ; mais peu m'importe que ce visage soit âpre et fier « comme les sables de Tolède » que je n'ai pas vu et dont je n'ai souci.
Au contraire j'ai vu, comme tout le monde, des campa- gnes brûlées par la saison torride et derechef je suis touché lorsqu'on me dit avec une forte simplicité :
Un visage est sacré quand il s'épuise et meurt Comme un sol que l'été dévaste,
et je me moque bien après cela des « taches sombres et vertes » que « les lourds pigeons et les ombres des fleurs » peuvent faire sur ce sol. Mais à quoi bon répéter une expé- rience concluante, du moins pour moi.
Non ! cette culture forcenée de l'impression et de la sen- sation n'est pas poétique. Et cette hypertrophie descriptive rend bizarre et monstrueux le visage de la Poésie. J'entends bien que depuis, on lui a fait subir d'autres déformations et qu'on l'oblige chaque jour à de pires grimaces. Mais ce^ qu'il importe de voir, c'est où commence le déséquilibre, et quel est le principe de tout faux lyrisme, de tout l'art
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