HYMÉNÉE ! 27
Rien que d’y songer, la tête me fait mal. Je pense que le mieux est de tirer au sort. S’en remettre à la volonté de Dieu ! Celui qui sortira sera mon époux. Je vais écrire le nom de chacun sur un bout de papier, rouler les billets, et, advienne que pourra ! (Elle va à son secrétaire, y prend du papier et des ciseaux, fait des billets et les roule, tout en continuant de parler). C’est une malheureuse situation que celle de jeune fille, surtout de jeune fille amoureuse. Aucun homme ne veut se mettre à notre place et comprendre… Voilà les billets prêts. Il n’y a plus qu’à les mettre dans mon réticule, à fermer les yeux, à tirer, et qu’il en soit ce qu’il en sera ! (Elle fait ce qu’elle vient de dire et brasse les billets.) Ah ! j’ai peur… Si Dieu voulait que ce soit Nicanor Ivânovitch qui sorte ! Non ! Pourquoi lui ? Mieux vaudrait Ivane Kouzmitch. Bah ! pourquoi Ivane Kouzmitch ? Les autres valent-ils moins que lui ? Bah ! celui qui sortira, c’est celui que je prendrai. (Elle plonge la main dans le réticule et, au lieu d’en tirer un billet, les retire tous.) Oh, tous ! Tous sont sortis ! Comme mon cœur bat ! Mais il n’en faut qu’un ! Rien qu’un ! (Elle remet les billets dans le réticule et agite. À ce moment-là, Kotchkariov entre furtivement et s’arrête derrière elle.) Ah, si je pouvais retirer Balthazar !… Qu’est-ce que je dis ?… Je voulais dire Nicanor Ivânovitch… Non, je ne veux pas, je ne veux pas… Celui que le sort désignera…
Kotchkariov. — Prenez donc Ivane Kouzmitch, c’est le mieux de tous.
Agafia Tikhonovna, poussant un cri. — Ah ! (Elle se cache le visage dans ses mains, craignant de se retourner.)
Kotchkariov. — Pourquoi avez-vous peur ? Ne vous effrayez pas. C’est moi. Bien vrai, prenez Ivane Kouzmitch.
Agafia Tikhonovna. — Ah, j’ai honte ! Vous m’écoutiez.
Kotchkariov. — Qu’est-ce que ça peut faire ? N’ayez donc pas honte avec moi. Ne suis-je pas votre parent ? Découvrez votre joli visage.