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NOTES 365

même façon, il se garda bien de tracer aucune indication de scène où il n'eût en vue le peintre (ou les peintres) et les splendeurs dont ils disposeraient pour la traduire dans le sens convenu. Non, le poète ici ne songe presque plus à soi ; il invite à collaborer ; il fournit des thèmes et des prétextes, fait sa partie, mais s'eiface aussitôt après. Quelle leçon de mo- destie !

Et ne croyez pas pour cela que le musicien ou les décora- teurs abusent. Le musicien, c'est — ô surprise ! — M. Arthur Honegger, du groupe des Six, plus connu pour des fantaisies aimables et singulières et qui tout d'un coup donne sa mesure d'une façon décisive et sans prescription. Il n'encombrera pas le drame de développements symphonico-psychologiques hors de saison. Il faut que les images se succèdent vite; c'est la loi du genre « spectacle ». Mais à l'école de Satie, il a appris à faire bref. Si peu que je m'y connaisse en musique, je crois pouvoir répondre de la fermeté, de la nouveauté et de l'excel- lence de cette suite de morceaux courts et allants. Chose étrange en un temps de notes volatilisées, ils se gravent dans la mé- moire, sans l'avoir préalablement obsédée de leurs procédés incorrects. Ils sont simples, directs et forts. Que le sujet y soit pour quelque chose, je le sais et m'en réjouis : preuve nou- velle que l'art exige une matière digne de lui et d'autant plus qu'il se raffine davantage. Le jeune musicien qui a écrit le Chant de la Servante, le psaume : Ah ! si f avais des ailes de colombe /, le chœur à l'unisson : De mon cœur jaillit un cantique et les Psaumes de la Pénitence est autre chose qu'un jongleur ; on peut tout espérer de lui. — Et cependant, je le répète, il n'empiète pas plus que le poète sur le champ commun ; il couvre le petit espace qu'on lui a donné à couvrir ; pas un pouce carré de plus. Ainsi feront aussi les peintres.

La difficulté pour eux était triple, en ce sens qu'ils avaient dû se mettre à trois, vu l'énormité de l'effort : M. A. Cingria, M. J. Morax et M. A. Hugonnet. On eût pu craindre par exemple que le tempérament de coloriste forcené de M. Ar- thur Cingria, grand rénovateur d'art religieux dont on admire à la cathédrale de Genève des vitraux merveilleux quoique lisibles difficilement, écrasât par son voisinage l'art mesuré de M. Jean Morax. Mais tout avait été prévu et la besogne

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