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NOTES 379

reste exotique. Sans doute il est réel, il Test peut-être plus que les autres images ; il est beau, c'est encore certain. Mais l'intel- ligence sur laquelle il s'est imprimé n'a pas été nourrie par l'Amérique ; c'est l'intelligence du Celte, qui est d'ordre sensible, faite de subtilité, de tendresse et de rêve. La marque pourtant de l'Amérique est dans l'abîme existant entre l'esprit celtique de l'auteur et la vie juive qu'elle décrit ; et Miss Ridge ajoute ainsi au trésor, déjà si riche, de l'imagination américaine. Son apport est celui de la surprise éveillée en elle par un monde aussi étranger. C'est une équation poétique entre Celte et Juif qui est sans exem.ple.

La phrase lapidaire de Miss Rid^e oblige la luxuriance, la pas- sion juive, à revêtir une forme claire et dure comme le cristal. On y sent l'agonie du Juif transplanté dans son esprit et dans sa chair, mais toujours à travers l'émerveillement du poète. Elle reste une voyageuse explorant son sujet.

Au pôle opposé sont les histoires de Miss Anzia Yezierska, jeune juive Russe immigrée qui, d'un séjour plus prolongé dans le quartier ouvrier de l'est, est entrée dans le domaine de l'ex- pression. J'en parle, non à cause de leur valeur intrinsèque qui est mince, mais à cause du contraste qu'elles présentent avec l'œuvre de Miss Ridge. Car Miss Yezierska possède ce qui fait défaut à Miss Ridge. Son livre Cœurs affamés nous la montre chez elle dans le Ghetto natal, séjour des lamentations et des plaintes, des désirs vagues mais etfrénés. Il manque d'ampleur, il est lourd, il a la crudité de rythme et de couleur qui est celle du subconscient. N'importe ; une richesse s'y révèle qui est une promesse.

Dans les peintures de Miss Ridge, tout objectives qu'elles soient, on sent trop l'éloignement esthétique et spirituel de l'au- teur. A celles de Miss Yezierska, il manque ce qui assure à l'art la durée : un dessin qui recouvre des images par trop céré- brales. Notre pays ne nous a pas encore donné le poète qui joindrait à la faculté créatrice de Miss Ridge la sympathie que Miss Yezierska éprouve pour son triste sujet. Alors seulement les Israëls turbulents, les Italies, les Russies, les Syries et les Balkans de New-York, auront trouvé — avant de disparaître — leur place définitive dans le monde immortel des ouvrages de l'esprit... (Traduit par u^"^^ h. boussinesq.) waldo frank

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