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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 447

certaine ligne de faits. Mais ces lignes de faits (comme celle de la Cité Antique) sont des abstractions. Quand on sait s'en servir (comme M. Ferrero) elles aident à comprendre l'histoire. Quand on s'y asservit elles empêchent de comprendre l'his- toire. En lisant le livre de M. Ferrero, je pense à ce qu'il ne dit pas au moins autant qu'à ce qu'il dit. L'histoire du xviiie siècle et celle de la Révolution nous ont montré que l'atfaiblissement du principe d'autorité peut bien être une cause, mais qu'avant (logiquement et chronologiquement) d'être une cause, il est d'abord une résultante. Et on se met à penser à tout ce dont il est la résultante, aux causes efficientes qui expliquent cette cause déficiente. Si M. Ferrero a renoncé à cette œuvre presque impossible d'une histoire de l'Empire Romain sur le modèle de son histoire républicaine, il serait intéressant qu'il continuât le même ordre de coupes. Nous avons une tendance à écrire la Fin de la civilisation antique d'un point de vue chrétien. M. Ferrero l'a plutôt écrite du point de vue d'un contemporain de Cicéron ou d'i\uguste. On pourrait appliquer le même principe « réactionnaire », la même pers- pective purement romaine au problème du christianisme. Nous étudions toujours l'histoire du point de vue de l'avenir, on peut aussi l'étudier, dans une certaine mesure, du point de vue du passé. La Révolution française nous apparaît surtout au bout de la perspective de cent vingt ans d'histoire ultérieure, et c'est d'un bout de cette avenue que nous l'écrivons ; les contemporains qui en ont écrit la voyaient dans leur présent, et comme les faits historiques ne s'expliquent bien que par leur place dans le temps, nous avons là les deux premières dimen- sions, également utiles, de l'histoire. Mais il en est une troisième, la perspective inverse a aussi son importance, celle du passé de la Révolution, celle de l'homme d'une génération antérieure qui y assiste en la comprenant du point de vue de Louis XV ou de Louis XIV. Ainsi nous sommes heureux quand un Léon Bloy voit notre temps avec des yeux du moyen-âge et met sur notre édifice composite une gargouille goique. Si M. Ferrero faisait cette coupe romaine dans l'histoire des premiers siècles du christianisme, au lieu de l'habituelle coupe chrétienne dans l'histoire romaine, (je crois d'ailleurs qu'il en a l'intention) je lui conseillerais de relire VUchronie de Renouvier. Le contraste

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