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CHRONiaUE DRAMATIQUE 453

moment. Je me promets d'en parler, avec des compliments. Et quand vient le jour de ma chronique, je me contente d'en nommer l'auteur et d'en indiquer le titre dans mon sommaire, et je parle d'autre chose. Pourquoi ?... C'est qu'il y a aussi le plaisir de la lecture, le souvenir des livres que j'aime, qui viennent se mêler à mes impressions. Là aussi, je pourrais me plaindre d'avoir perdu un peu de l'illusion qui fait le plaisir complet, si le plaisir que procure l'analyse ne compensait et au-delà. Quand je lis, bien souvent, malgré moi, je suis plus occupé à regarder comment cela est fait qu'à me laisser em- porter par l'intérêt du sujet. Quelles jouissances j'ai connues et je connais encore, cependant, et que de personnages j'ai été au gré de mes lectures : de tous les genres, de tous les états, de toutes les fortunes, de tous les mérites, élevés ou bas, mé- diocres ou supérieurs, fêtés ou dédaignés, vivant vraiment, par l'imagination, la vie, les sentiments et les aventures de chacun d'eux. Je parle là, il est vrai, de ma jeunesse. J'ai changé. J'ai fait mon choix, pour dire plus juste. Je n'ai d'ailleurs jamais eu grand goût pour les œuvres purement lyriques. Un homme comme Hugo, par exemple, a toujours été pour moi un monu- ment d'ennui. A l'imagination a succédé le goût exclusif pour les choses vraies. Je porte là les mêmes goûts que je porte au théâtre et j'aime dans les livres les mêmes mérites. Depuis longtemps ce sont les mêmes que je lis quand je lis : ouvrages de littérature personnelle, mémoires, autobiographies, por- traits, recueils de maximes, de pensées ou d'anecdotes, qui peignent les passions et les ridicules humains sans phrases inutiles, avec des traits rapides et moqueurs, fidèles et francs. Ils sont là une cinquantaine, dans ma bibliothèque, qui me rendent bien indifférent à tout ce qu'on écrit aujourd'hui. On me blâmera si on veut : même ces pièces que je dis, qui ont un certain intérêt, je les rapproche, ma mémoire y aidant, de ces livres que j'aime. Je les compare au moins dans le plaisir qu'ils me donnent. Mon jugement s'en ressent, puis mes dispositions, et je finis par trouver que ces pièces n'ont, au fond, rien d'extraordinaire. Arrivé chez moi, pour me délasser un peu, je prends un de ces livres qui sont pour moi un perpétuel ravis- sement spirituel, dont rien n'a bougé ni vieilli, ni un trait, ni un mot, dont rien n'est devenu fade ou inutile, dont tout sem-

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