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NOTES 503

David par les peintres chrétiens, quasi honteux que leur Dieu ait dormi dans la misère et la saleté. Ce n'est pas davantage la Crèche de carton-pâte que la fantaisie pâtissière des imagiers a conçue dans les temps modernes, la Crèche propre et gentille, etc.. Non, une Etable, une Etahle réelle, c'est la Maison des Bêtes, la prison des Bêtes qui travaillent pour l'homme. L'antique, la pauvre Etahle des pays de V antiquité, des pays pauvres, du pays de Jésus, nest pas le Portique à pilastres et à chapiteaux, ni l'Ecurie scientifique des riches d'aujourd'hui ou la Cabane élégante des veilles de Noël. L'Etahle nest que quatre murs bruts, un pavé sale, un toit de poutres et de planches. La vraie Etable est sombre, dégoûtante, puante

Cette allure un peu piétinante, ces « ce n'est pas... ce n'est pas... c'est... c'est... », qui rappelle l'allure de Péguy, ne change guère tout le long du livre, sauf aux pages d'invec- tives, où Papini retrouve sa rapidité coutumière. Des morceaux de bravoure, du même style solennel, mais d'une perfection rare (on est tenté de dire : flaubertiens), traversent la mono- tonie du récit toutes les dix ou quinze pages.

Citons la description de la veille de la Pâque : Des toisons d'agneau par milliers étaient étendues au soleil sur les toits ; et de chaque maison s'élevait un filet de fumée, qui s'épanouissait dans l'air, délicat comme Vêclosion d'une fleur, et puis se perdait dans le ciel retentissant de fête. Des ruelles débouchaient aux carrefours les vieilles aux ne\ méchants, marmonnant des anathèmes ; des petits enfants aux joues sales qui galopaient, un paquet sous le bras ; des hommes barbus qui portaient sur l'épaule un chevreau ou un baril de vin ; des âniers qui tiraient par la bride leur béte, museau bas ; des jeunes filles qui dardaient leurs yeux impudents et mélancoliquis sur les étrangers qui cheminaient, circonspects, au milieu de ce tinta- marre de fête... Un parfum d'espérance et de printemps purifiait l'antique puanteur de ce nid à vermine de circoncis. Et un déluge de clarté se déversait du grand soleil d'Orient sur les quatre col- lines.

Et citons aussi, pris au hasard, pour être complets, un pas- sage explicatif et moralisant. II s'agit des noces de Cana : Vous vous rappelé^ les paroles de Véchanson à l'époux : « Chacun com- mence par mettre sur la table le bon vin ; puis, quand les gens sont ivres, on sert le moins bon ; mais toi, tu as conservé le bon

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