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ENTRE LA FRANCE ET L ALLEMAGNE 519

les problèmes centraux delà vie, nous paraît impossible. Quelles que soient les divergences de notre pensée avec celle de Bar- busse, nos différences d'appréciation de l'évolution historique, il est impossible de ne pas interpréter comme lui les signes de ce temps, dans leur ensemble, de ne pas partager le sentiment tragique qu'il a de la catastrophe.

Cependant cet acquiescement cesse, et doit cesser, quand Barbusse passe à la seconde partie de son livre, la partie cons- tructive, qu'il intitule : « La révolte de la raison. »

Ici règne le doctrinarisme rationaliste le plus enfantin. Bar- busse croit à une infaillible raison, innée en chacun de nous, et dont il suffirait de suivre les lois pour que tout rentrât aussitôt dans l'ordre. Barbusse est hypnotisé par l'idée d'Egalité. « Quand on a dit Egalité, on a tout dit » : tel est le titre significatif d'un de ses chapitres. La « loi d'égalité », dit-il, doit former le con- cept fondamental de toute société humaine. L'égalisation sociale doit être réalisée sans considération pour quoi que ce soit d'autre. L'idéal patriotique est à remplacer par un idéal humani- taire, et le nationalisme par l'internationalisme, etc., etc. Avec la plus grande naïveté, Barbusse pose ces postulats comme des données absolues, des évidences de la raison. Il ne s'aperçoit pas qu'en partie déjà elles contredisent aux règles élémentaires de la logique. Et à plus forte raison est-il inconscient du fond intellectuel d'où il a tiré ces axiomes ; inconscient de ce qu'ils sont en réalité : une dernière forme chétive du moderne « esprit bourgeois », sa dernière conception du monde, son dernier sys- tème de valeurs : une schématisation poussée à l'extrême, et devenue complètement exsangue, des idéologies rationalistes des xviiie et xix^ siècles.

Ce sont ces formes surannées d'un monde finissant dont Bar- busse voudrait faire les bases d'une construction nouvelle. Voilà le paradoxe du groupement Clarté. Sans vouloir refuser toute estime aux forces morales qu'on y sent actives, son plat rationa- lisme, son internationalisme abstrait, sont formes d'expression d'une époque finissante et contredisent le vivant sentiment des valeurs que l'esprit porte en lui.

Et si ce dernier passage paraît quelque peu confus, voici qui devient beaucoup plus clair :

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