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540 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ner, comme on le dit d'un garçon qu'on a connu bien sage au collège, un peu « gourde » même, et qu'on retrouve quelques années plus tard dans un milieu de filles et de noceurs. Après dix ans de mariage, celle-là, dix ans passés à se plier à la volonté du mari, à gouverner sa maison, à l'aider dans sa carrière, à l'aimer peut-être. Tout d'un coup, c'a été la révolte, le besoin d'avoir son tour, de s'appartenir, et une sorte d'épanouissement, comme si le temps où elle était sage et fidèle n'avait été, entre son adolescence et ce moment, qu'une longue et pénible mue. Et encore Madame... Celle-là, une fois veuve. Un jour, j'avais seize ou dix-sept ans et je lui ai dit, comme un collégien, pour l'étonner, ou pour voir si elle me prendrait au sérieux, que c'était par timidité et fai- blesse de caractère, et non par amour, que la plupart des femmes étaient fidèles. L'effet, formidable. M'a fait peur. Je crois même qu'elle l'a répété à son mari ; une allusion qu'il m'a semblé qu'il y faisait, peu après. Oh, ça n'était pas une chose à dire. Elle avait dû me traiter en petit garçon, et comme l'idée de l'embrasser ne me serait jamais venue... J'aimais mieux... Oui, enfin je l'ai retrou- vée quelques années après, veuve, et transformée ; ne cherchant plus seulement à être aimable, mais à être aimée. Elle découvrait les amusements de la ville, et les joies du ménage n'étaient plus qu'un souvenir : l'amour, la coquetterie, les restaurants des Halles, Montmartre, les facilités de la vie de château et d'hôtel pendant les vacan- ces. Déniaisée ; plus de timidité ni de faiblesse de carac- tère. Ce n'avait donc été, réellement, que cela ? Un fond de vulgarité qu'elle avait et qu'on ne voyait pas aupara- vant se montrait maintenant. Sa naïveté aussi : des plaisan- teries d'esprit fort, sur la religion, pour scandaliser des gens qu'elle considérait, sans savoir, comme des provin- ciaux, qu'elle croyait dévots. Ainsi elles avaient vécu en tutelle pendant des années, fières de leurs devoirs ponc- tuellement accomplis, se croyant bien gardées, bien assu-

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