JEROME ET JEAN THARAUD 563
nudité d'âme qui est admirable et qui ne ressemble à aucune autre.
Il fut d'ailleurs un temps, celui de leurs débuts et de leur collaboration aux Cahiers de la Quîfi::^aine, où le princi- pal souci des deux frères était d'exposer sans voiles, bruta- lement cette nudité. C'était l'époque où Péguy écrivait d'eux : « Les contes et les nouvelles de Tharaud ont une sorte de force brève et de brièveté forte telle qu'elle ne supporte absolument plus aucun voisinage... »
Qui songerait depuis le second Dingleyk pa.v\er encore de force brève ? alors que tout chez les Tharaud est devenu fluidité, éclat harmonieux, musical balancement des pério- des, enchaînement moelleux des phrases. .
Et pourtant cette brièveté forte correspond à ce qu'il y a de plus profond chez les Tharaud, ou peut-être — et cela expliquerait tout ce problème troublant de la forme et du fond, l'un fournissant le fond, l'autre la forme — chez un seul d'entre eux, à une sauvagerie instinctive, à un sens aigu et singulièrement lucide de tout cet entre-deux confus de la personne humaine qui se place entre l'indivi- dualité (pour être plus clair, résignons-nous même à dire l'idiosyncrasie) et la bestialité, et qui est le domaine trouble des atavismes, de la race, de la caste, des traditions religieuses, de tout ce qui vient du fond des âges, de toutes les influences climatiques et géologiques, le territoire en gros de cette science nouvelle : la géographie humaine.
Surprendre sur le vif une réaction soudaine de ces forces qui nous dominent secrètement, ou bien scruter ce qu'un apport religieux entraîne de remous et de tourbillons dans ce gouffre de la personnalité inconsciente, ce fut d'abord ce qui passionna les Tharaud. Deux incon- scients l'un anglais, l'autre hindou en présence et en lutte chez un homme de génie, plus la lutte du « soi » de cet homme (pour emprunter la terminologie de Léon Daudet, hanté lui aussi par ces problèmes) contre ces inconscients en conflit, c'est le sujet de Dingley. L'inconscient
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