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Page:NRF 17.djvu/58

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Kotchkariov. — Il n'y a pas à tant me remercier. C'est moi qui suis content. Viens que je t'embrasse. (Il l'embrasse sur une joue, puis sur l'autre.) Dieu veuille que tu vives heureux, (ils s'embrassent) dans l'aisance et la joie, et que vous ayez beaucoup d'enfants...

Podkolièssine. — Merci, frère ! Je vois enfin seulement ce qu'est la vie. Un monde tout nouveau vient de s'ouvrir à moi. Maintenant je vois que tout se meut, vit, respire et s'évapore, si bien qu'il est même difficile de savoir ce qui se passe en soi. Avant, je ne voyais rien de pareil, je ne comprenais pas ; j'étais privé de toute conscience. Je ne réfléchissais pas, n'approfondissais pas ; je vivais comme n'importe qui.

Kotchkariov. — Je suis satisfait, ravi. Je vais voir maintenant comment on a dressé la table et reviens à l'instant. (A part.) Je crois qu'à tout hasard il est plus prudent de cacher son chapeau. (Il emporte le chapeau de Podkolièssine.)


Scène XXI

Podkolièssine, seul.

Qu'étais-je, en réalité, jusqu'à présent ? Comprenais-je le sens de la vie ? Pas du tout... Et quelle était ma vie de garçon ?... Que faisais-je ?... Je vivais, vivottais, allais à mon bureau, dînais et dormais, bref, l'être le plus vil et le plus ordinaire. Je ne vois qu'à l'instant combien sont stupides ceux qui ne se marient pas. Et remarquez la quantité de gens qui restent dans cet aveuglement ! Si j'étais souverain quelque part, j'ordonnerais à tous mes sujets de se marier. Je ne permettrais pas qu'il y eût dans mon royaume un seul célibataire... Vraiment, quand j'y songe... dans quelques minutes je serai marié... Je mords à cette félicité dont il n'est parlé que dans les contes et qui est inexprimable... (Court silence.) Malgré tout, cependant, j'éprouve, à y penser, quelque chose d'étrange. Pour toute sa vie, toute