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��576 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

couche ? Et toi dans le même coin que lui ? Et vous man- gez la soupe ensemble, dans la même écuelle ?

Lazare. — H y a donc du mal ?

Césaire. — Non, si cela ne te soulève pas le cœur. (S' inquiétant) Nous parlons pourtant du même homme, Benoît, un gars crépu ?

Lazare. — Oui.

CÉSAIRE. — Qui a une cicatrice en travers de la main.

Lazare. — Oui.

CÉSAIRE. — Un beau gars ! Hein, qu'il se croit beau !

Lazare. — Je ne le lui ai pas demandé.

CÉSAIRE. — Ah ! toi, tu m'as l'air fin, mon garçon.

(Il prend son baluchon, le jette à Vautre extrémité de la pièce, puis il s'assied.)

Je m'installerai de ce côté-là. Qu'est-ce qu'il fait tout le jour, ton Benoît ?

Lazare. — Le matin on va visiter les filets.

CÉSAIRE. — Ce n'est pas ce que je te demande. Quand il a fini son travail ?

Lazare. — Il fait comme toi. *^

CÉSAIRE. — C'est-à-dire ?

Lazare. — Il s'assied sur ce tabouret.

CÉSAIRE. — Et c'est tout ?

Lazare. — Ou bien il se couche sur le ventre, au soleil.

CÉSAIRE. — Il ne parle pas ?

Lazare. — Des fois.

CÉSAIRE. — Qu'est-ce qu'il te raconte ?

Lazare. — Il jure. Il dit : « Quelle vie ! quelle vie ! oh là là 1 » ou bien : « Les femmes, vois-tu, les fem- mes ! ... »

CÉSAIRE, comme un chien qui tombe sur tint piste. — Celles auxquelles il pense ... il te dit leurs noms 1

Lazare. — Oh ! ça m'est bien égal ...

CÉSAIRE. — Oui. Mais quels noms dit-il ?

Lazare. — La grosse Régine... ou la Roussotte.

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