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592 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Lazare. — C'est la nuit que vous disiez tout cela ?

Benoit. — Le jour et la nuit. Il n'arrête pas. Quand je me réveille, j'ai tout le corps en nage. Depuis qu'il est ici, je ne sais plus ce que je vois ni ce que je pense... Il ment, je suis sûr qu'il ment. Il ne se peut pas que tout ce qu'il dit soit vrai. Mais je ne sais pas quand il commence à mentir. Il m'appâte peu à peu, jusqu'à ce que je morde... Et maintenant (portant la main à sa gorge) j'ai là son hame- çon !

Lazare. — Il ne fallait pas lui prendre sa demoiselle.

Benoit, — Elle ne cessait pas de gémir et de trembler.

Lazare. — Elle était malheureuse ?

Benoit. — Plutôt !

Lazare. — Sais-tu que, dans C€ cas, tu n'avais pas tout à fait tort... Ma foi, je commence à trouver que tu as bien fait... Mais alors, si c'est lui qui est fautif, prends-moi un bon gourdin et montre-lui qu'il ferait mieux de te laisser tranquille.

Benoit. — On ne peut rien contre lui.

Lazare. — On peut le rosser. Je te l'abandonne. J'ai beau faire de la musique sous son nez, il ne veut plus me casser mes flûtes.

Benoit. — Tu trouves naturel, toi, que gauche comme il l'est, il ne se soit jamais blessé. Dans la main qu'il s'est coupée sur une pierre, j'ai bien vu, il n'y a même pas de cicatrice.

Lazare. — Il ne se l'est jamais coupée !

Benoit. — Yvon n'était pas peureux, et il ne s'est même pas défendu ! On ne gagne rien à donner du poing sur des têtes de clous... Ah ! s'il était fait comme nous autres!... L'as-tu déjà vu prendre peur ?

Lazare. — Non.

Benoit. — As-tu vu quelque chose lui faire mal?... Cherche bien, car si nous découvrions par où on peut l'attaquer... Si jamais... est-ce que je sais ?... on l'entendait gémir pour une brûlure ou pour un coup...

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