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Page:NRF 17.djvu/670

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son lorgnon, le docteur, dont c’était une des plaisanteries favorites.

Enfin le train s’arrêta à la station de Doville-Féterne, laquelle étant située à peu près à égale distance du village de Féterne et de celui de Doville, portait à cause de cette particularité leurs deux noms. « Saperlipopette, s’écria le Docteur Cottard, quand nous fûmes devant la barrière où on prenait les billets, et feignant seulement de s’en apercevoir, je ne peux pas retrouver mon ticket, j’ai dû le perdre. » Mais l’employé, ôtant sa casquette, assura que cela ne faisait rien et sourit respectueusement. La Princesse (donnant des explications au cocher, comme eût fait une espèce de dame d’honneur de Mme Verdurin, laquelle à cause des Cambremer n’avait pu venir à la gare, ce qu’elle faisait du reste rarement) me prit ainsi que Brichot avec elle dans une des voitures. Dans l’autre montèrent le Docteur, Saniette et Ski. Nous traversâmes d’abord Doville. Des mamelons herbus y descendaient jusqu’à la mer en amples pâtés auxquels la saturation de l’humidité et du sel donnait une épaisseur, un moelleux, une vivacité de tons extrêmes. Les îlots et les découpures de Rivebelle, beaucoup plus rapprochés ici qu’à Balbec, donnaient à cette partie de la mer l’aspect, nouveau pour moi, d’un plan en relief. Nous passâmes devant de petits chalets loués presque tous par des peintres ; nous prîmes un sentier où des vaches en liberté, aussi effrayées que nos chevaux, nous barrèrent dix minutes le passage, et nous nous engageâmes dans la route de la corniche. « Mais par les Dieux immortels, demanda tout à coup Brichot, revenons à ce pauvre Dechambre ; croyez-vous que Madame Verdurin sache. ? Lui a-t-on dit ? » Mme Verdurin, comme presque tous les gens du monde, justement parce qu’elle avait besoin de la société des autres, ne pensait plus un seul jour à eux après qu’étant morts ils ne pouvaient plus venir aux mercredis, ni aux samedis, ni dîner en robe de chambre. Et on ne pouvait pas dire du petit clan, image en cela de tous les salons, qu’il se com-