Aller au contenu

Page:NRF 17.djvu/677

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas encore arrivé ce bougre-là. Je vais être obligé d’envoyer une voiture au dernier train. Il vient avec un vieil ami de sa famille qu’il a retrouvé et qui l’embête à crever, mais avec qu4 il aurait été obligé pour ne pas avoir des plaintes de son père de rester sans cela à Doncières à lui tenir compagnie, le Baron de Charlus. » Les fidèles entrèrent, M. Verdurin, resté en arrière avec moi pendant que j’ôtais mes affaires, me prit le bras en plaisantant, comme fait à un dîner un maître de maison qui n’a pas d’invitée à vous donner à conduire, « Vous avez fait bon vo^^age ? — Oui,. M. Brichot m’a appris des choses qui m’ont beaucoup intéressé », dis-je en pensant à certaines étymologies et parce que j’avais entendu dire que les Verdurin admiraient beaucoup Brichot. « Cela m’aurait étonné qu’il ne vous eût rien appris, me dit M. Verdurin, c’est un homme si effacé, qui parle si peu des choses qu’il sait. » Ce compliment ne me parut pas très juste. « Il a l’air charmant, dis-je. — Exquis, délicieux, pas pion pour un sou, fantaisiste, léger, ma femme l’adore, moi aussi ! » répondit M. Verdurin sur un ton d’exagération et de réciter une leçon. Alors seulement je compris que ce qu’il me disait de Brichot était ironique, r Et je me demandai si M. Verdurin depuis le temps lointain dont j’avais entendu parler n’avait pas secoué la tutelle de sa femme.

« J’entends la voiture qui revient », murmura tout à coup la Patronne. Disons en un mot que Mme Verdurin, en dehors même des changements inévitables de l’âge, ne ressemblait plus à ce qu’elle était au temps où Swann et Odette écoutaient chez elle la petite phrase. Même quand on la jouait, elle n’était plus obligée à l’air exténué d’admiration qu’elle prenait autrefois, car celui-ci était devenu sa figure. Sous l’action des innombrables névralgies que la musique de Bach, de Wagner, de Vinteuil, de Debussy lui avait occasionnées, le front de Mme Verdurin avait pris des proportions énormes, comme ces membres qu’un rhumatisme finit par déformer. Ses tempes pareilles à deux belles sphè-