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FRAGMENTS INÉDITS DU JOURNAL INTIME

��AMIEL

La pudeur est une terrible maladie. Pour peu qu'elle ne soit pas combattue assez tôt, et vaincue, elle peut produire dans l'organisme moral autant de ravages que la tuberculose par exemple dans l'organisme physique. « Ce sont les premières manifestations et certains désordres de la puberté, écrit M. Ber- nard Bouvier à propos d'Amiel, qui ont rempli d'étonnement, puis d'appréhension, cet être pur et vrai, jusqu'à troubler son imagination et paralyser sa volonté '. » Il a été effrayé, et n'ayant pas su prendre conseil, il a commencé à songer. Cela devait durer toute sa vie.

Le Journal intime, — surtout tel que vont le transformer les fragments inédits qu'apportera la nouvelle édition ^ et dont nous donnons ci-après un choix — montre le long progrès de la pu- deur dans une âme, la solitude dont elle l'imprègne de plus en plus, l'inertie qu'elle y favorise, et par le même phénomène qui rend phosphorescents les corps en décomposition, la croissante lumière qu'elle y développe. Les dispositions philosophiques d'Amiel, son goût pour l'introspection ne suffisent pas à expli- quer le caractère rongeur de sa clairvoyance : il ne peut correspondre qu'à une voie qui lui a été fermée ; il y a une

��1. La Semaine littéraire (de Genève) du 20 nov. 1920, p. 541.

2. Que prépare M. Bernard Bouvier et qui doit paraître prochaine- ment dans la Collection Helvétique chez les éditeurs Crès à Paris et Georg à Genève.

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