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ardemment dévoué à la cause du Sud. Certaines circonstances lui avaient formellement interdit de s’enrôler dans cette armée, vaillante mais malheureuse, dont la campagne s’était terminée par la chute de Corinthe et il s’irritait de cette entrave inglorieuse, souhaitant ardemment de pouvoir libérer ses énergies, de trouver l’occasion de se distinguer dans la vie plus large du soldat. Cette occasion, il le sentait, devait se présenter, comme elle se présente à tous en temps de guerre. En attendant, il faisait tout ce qu’il pouvait. Aucune mission n’était trop humble pour qu’il ne l’acceptât, s’il pouvait par là aider le Sud, aucune aventure trop périlleuse pour qu’il ne s’y lançât, si elle était compatible avec la dignité d’un civil qui était soldat de cœur et qui, candidement et sans y regarder de trop près, appliquait le proverbe un peu facile que tout est permis en amour et en guerre.

Un soir que Farquhar et sa femme étaient assis sur un banc rustique près de l’entrée de leur propriété, un cavalier tout poudreux portant l’uniforme gris[1], s’approcha de la grille et demanda à boire. Mrs. Farquhar se leva pour le servir elle-même. Pendant qu’elle allait chercher l’eau, son mari s’enquit avec avidité des nouvelles du front.

— Les Yanks[2] sont en train de réparer les chemins de fer, dit l’homme, et se préparent à une nouvelle marche en avant. Ils ont atteint le pont d’Owl-Creek, l’ont remis en état et ont construit une palissade sur la rive nord. Le commandant a lancé un avis, qui est affiché partout, pour faire savoir que tout civil surpris à détériorer le chemin de fer, les ponts, les tunnels ou les trains, sera pendu sans jugement. J’ai vu l’avis.

— À quelle distance se trouve le pont d’Owl-Creek ?

— À une trentaine de milles.

  1. Les armées du Sud étaient vêtues de gris ; celles du Nord de bleu.
  2. Sobriquet que donnaient aux soldats de l’Armée fédérale leurs adversaires de l’Armée confédérée.