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ments des pattes des araignées d’eau, pareilles à des avirons — tout cela formait une musique qu’il percevait. Un poisson glissa sous ses yeux et il entendit l’élan de son corps divisant l’eau.

Il était venu à la surface, tourné dans le sens du courant ; en un instant, le monde visible parut virer lentement, lui-même servant de pivot au mouvement, et il vit le pont, le fort, les soldats sur le pont, le capitaine, le sergent, ses deux bourreaux. Ils se silhouettaient sur le ciel bleu. Ils criaient et gesticulaient, le montrant du doigt. Le capitaine avait préparé son pistolet, mais il ne tira pas : les autres étaient sans armes. Leurs mouvements semblaient grotesques et en même temps horribles, leurs formes gigantesques.

Tout à coup il entendit une violente détonation et quelque chose frappa rudement l’eau à quelques pouces de sa tête, lui éclaboussant le visage de poussière d’eau. Il entendit une deuxième explosion et vit une des sentinelles, le fusil à l’épaule, un léger nuage s’élevant au bout. L’homme dans l’eau vit l’œil de l’homme sur le pont fixant le sien à travers la hausse du fusil. Il observa que cet œil était gris et se rappela avoir lu que les yeux gris étaient les plus perçants et que tous les tireurs célèbres avaient les yeux de cette couleur. Pourtant, celui-ci l’avait manqué.

Un contre-tourbillon avait saisi Farquhar et lui avait fait faire un demi-tour ; il regardait à nouveau la forêt sur la rive opposée au fort. Une voix claire et qui psalmodiait s’éleva derrière lui et franchit l’eau avec une netteté qui dominait tous les autres sons, même le battement des vaguelettes dans ses oreilles. Bien qu’il ne fût pas militaire, il avait suffisamment fréquenté les camps pour connaître la signification redoutable de ce chantonnement ; le lieutenant posté sur la rive venait prendre part aux travaux de la matinée. Avec quelle froideur — avec quelle intonation impitoyable et calme, imposant le flegme à ses hommes — tombèrent ces mots cruels à intervalles exactement mesurés :