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NOTES 737

d'une race, mais l'état d'esprit que créent chez un peuple trois entreprises audacieuses, impunies, suivies d'une éclatante pros- périté. Dans une entreprise nouvelle, les risques passaient le profit ; seule une grande passion pouvait les masquer. Mais parmi les causes des guerres, Alain considère toujours ces pas- sions brusques, ces passions chaudes qu'une parole claire et une sage attitude sont capables de calmer. Pourtant une passion froide et lente, bien enracinée dans l'être et une passion attentive à tous signes de faiblesse encore plus qu'à tous défis, dominant la pensée, est ce qui donne sa marque propre au dernier grand Evénement.

Certes il est instructif de considérer d'abord l'Institution, le fait qui dure ou se répète, avant de passer à ces Evénements dont la variable apparence trompe aisément nos regards. Car plus d'une fois l'Institution a créé l'Evénement ; plus d'une fois l'organisation guerrière entraîna le retour des guerres. Mais à nier la ditférence réelle des événements et des intentions qui de part et d'autre en décident, à mettre ensemble volonté de défense et volonté d'attaque, appel à la contrainte et refus de la subir, à ne jamais supposer en leur place qu'une méprise mutuelle aggravée par la colère, ou ne comprendra qu'à demi la nature de l'Insiitution. Devant tant de guerres passées, sans m'attarder aux documents, j'admets pour chacune qu'il aurait mieux valu qu'elle n'eût pas lieu, et d'abord qu'il n'y eût per- sonne à la vouloir ; mais non pas que tous l'aient voulue de même, ni que ceux qui ne la voulaient point aient eu tort de l'accepter. Avant de condamner la juste résistance, il faudrait mesurer tout ce que nous lui devons ; songer qu'elle a laissé sa trace dans ces égards imparfaits qu'aujourd'hui l'homme a pour l'homme dans le cas même d'une défaite ou d'une soumission docile; songer aussi que sans la crainte d'une résistance toujours possible, les motifs plus élevés qu'elle devance et qu'elle appuie seraient menacés d'une prompte régression. Remettre le sort de l'opprimé au bon vouloir de l'oppresseur, n'est-ce pas à cela que mène la dialectique d'Alain, concernant les rapports de la Force et du Droit : « Chacun, dit-il, sait que la Force ne peut rien contre le Droit ; beaucoup sont disposés à reconnaître que la Force peut quelque chose pour le Droit. Mais il faut toujours que le droit soit reconnu, volon-

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