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744 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

auditeurs, les mieux doués quant à la mémoire. S'il est vrai que « l'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a », l'esprit qu'on vous prête n'est pas moins dangereux et M. Max Jacob, avec moins de souplesse, eût couru le risque de rester le pri- sonnier de la réputation qu'on lui voulut faire. Il n'est pas bon qu'un poète doive la sienne à sa légende plutôt qu'à son talent. Le Cornet à dés vint à point montrer que celui-ci était beaucoup plus intéressant que celle-là. Sa partie de Zanzibar lyrique ter- minée, M. Max Jacob laissa négligemment le cornet traîner sur le comptoir. Des joueurs novices et qui se croyaient très rou- blards s'en saisirent aussitôt, mais il ne contenait plus que des dés truqués qui roulaient sur le zinc poisseux avec un bruit funèbre.

M. Max Jacob lui-même qui pourtant sait bien la règle du jeu ne gagne pas à tous les coups. Dans ce Laboratoire central, il y a quantité de petites fioles aux étiquettes fallacieuses, si bien qu'on n'est jamais sûr du contenu : amertume, ironie, sarcasme, bouffonnerie, éloquence satirique. Il faut déboucher tous les fla- cons et avaler en fermant les yeux ces petits poèmes dont le rythme acquiert irrésistiblement la volubilité du monologue comique.

Il sait choisir au hasard une poignée de mots qui feraient assez bien, dans la bouche d'un orateur désireux d'accroître la vitesse de son débit, l'office des cailloux de Démosthène.

Exhalaisons et salaisons en toutes saisons Enseigne : Au Calicot de la Grande Espérance, Paris au Paradis par le Pari Mutuel, C'est celui de Pascal : Pari sauve^ la France.

On ne saurait en vouloir à M. Max Jacob de cultiver le genre macaronique, auquel il doit tant de succès et l'on con- çoit qu'il ne se résigne pas à laisser le champ libre à des imita- teurs qu'il lui est si facile de décourager. Si nous regrettons les poèmes qu'il eût pu écrire, croyez qu'il les regrette aussi. En cette débauche d'équivoques et comme disait Bergerac, d'entre- tiens pointus, une vraie douleur cherche à s'étourdir. A lire le Départ du marin, Qtiimper, Mort morale. Etablissement d'une communauté au Brésil, on a le sentiment d'une vengeance raffi- née, de représailles qu'exerce le poète contre lui-même, chaque fois qu'il s'est reconnu coupable d'une émotion vraie. Il n'écrit jamais que la parodie du poème rêvé d'abord, et la satire de ses accès lyriques involontaires. Il fait songer à ces artistes de

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