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760 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de Barbizon, il y a à peine un siècle et l'activité en tous sens^ dirigée des grands maîtres des siècles précédents lui inflige une contradiction formelle. Malgré cette vérité l'éloge du peintre ruminant a été si souvent prononcé que la mentalité de trop d'artistes doués en subit l'influence déprimante. Certains criti- ques, off'rant une aide matérielle en échange d'une obéissance passive, ont provoqué, chez les peintres décidés à parvenir rapi- dement, une véritable panique spirituelle. On assiste à ce spec- tacle bien révélateur de nos moeurs, d'artistes réfléchis qui cachent leur culture comme une tare. On a même vu un des plus saturés de littérature, un des plus raisonneurs parmi les bons peintres de notre temps, prendre la plume, dernièrement, à seule fin de convaincre le monde entier qu'il n'écrivait jamais.

Un rappel incessant à la sensualité (indispensable, d'ailleurs) pourrait déterminer parfois une explosion de riches dons désor- donnés. Le fauvisme, qu'on se prend à regretter devant tant de mornes toiles qui semblent porter le deuil de sa mort, n'était autre chose que la vigoureuse expansion de tempéraments non encore paralysés par les sermons actuels. On comprendrait à la rigueur, en eftet, une campagne destinée à susciter d'agréables feux d'artifice picturaux. Mais où le manque de logique de nos censeurs s'afiirme, où la nocivité de leurs manœuvres éclate, c'est lorsque, après avoir prôné la prédominance du seul tem- pérament, ils réclament des artistes ainsi mis en état d'infério- rité « des œuvres complètes » ! On connaît l'antienne favorite de M. Vauxcelles : « Un Salon n'est pas un laboratoire où s'éta- lent des expériences picturales ; le jour de peindre des tableaux est arrivé, etc. » A force de haine pour les formules de peintres ( « trouver la formule » disait Cézanne) notre critique en édifie une, toute littéraire, et contradictoire, dont ceux qui s'y plient nous apparaissent les innocentes victimes.

En effet: d'un côté M. Vauxcelles et ses alliés interdisent au peintre le droit — sacré à mon avis, et indispensable à la lente communion de l'artiste et du public — de soumettre à ce der- nier les expériences au moyen desquelles il cherche honnête- ment ses moyens d'expression (puisque personne ne peut les lui apprendre). De l'autre., ils lui interdisent le seul exercice qui pourrait hâter ses découvertes : la mise en œuvre de cette sen- sibilité orientée vers l'ordre que je définis intelligence sensible.

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