2 LE CARNET DES ÉDITEURS
Romain Rolland : PIERRE ET LUCE. Un vol. de 189 pages orné de quatrehors-texteet vingt-neuf vignettes dessinées et gravées sur bois par Gabriel Belot (tirage à part : 25 exemplaires sur Japon, 75 sur Hollande et 20 exemplaires nominatifs sur Hollande) '.
Sans doute parce que nous nous sentons fragiles, un instant ou un jour trop heureux se teintent souvent d'angoisse légère. Les « derniers beaux jours alanguis de l'été », et l'heure « où le soleil se repose avant de s'évanouir » nous conduisent à la pensée de notre propre mort et nous font goûter une sorte de charme amer.
Ce ne sont là que des impressions fugitives, notre espoir dans l'avenir les recouvre bientôt. Mais Pierre, lui, à dix-huit ans, n'a que six mois de vie probable, parce que c'est la guerre et que sa classe doit partir. Lorsqu'il rencontre Luce, en un radieux février, il ne connaît encore de l'amour que ce qu'il en a lu, et la vieille merveille se révèle à lui environnée de mort.
Ce ne sera qu'un rêve. Quand ils seront sur le point de se donner entièrement l'un à l'autre, et peut-être ;ainsi près de troubler leur pauvre bonheur, un obus allemand les tuera dans une église.
Aux reflets de cette fraîche et simple histoire, M. Romain Rolland fixe les traits de Paris au printemps de 19 18 et nous décrit l'inconscience de l'arrière, la bêtise, l'égoïsme, le luxe du monde des profiteurs, tout ce qui troublait l'âme des adoles- cents partant après tant d'autres vers le feu sans la griserie du premier enthousiasme, et se sacrifiant « à froid ».
L'on aimera ce petit livre de pitié et d'amour pour l'homme, qui donne à goûter, par instants, « la paix des mondes à venir ». Clérambault répondait à la Foire sur la Place : voici la réplique à VAuhe ou à la Nouvelle Journée, qu'attendaient les amis de Jean-Christophe.
M. Gabriel Belot, l'imagier de l'Ile Saint-Louis, l'a ornée sobrement de vignettes et de hors-texte bien compris, émou- vants et largement taillés.
��1. Librairie Ollendorff. Paris, 50, chaussée d'Antin.
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