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112 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sont deux fables mêlées. Pour la première, l'auteur s'est docu- menté sur place ; la seconde est plus humaine, plus conven- tionnelle, moins russe. On y cherche en vain cette précieuse folie que les Slaves répandent. Cette idylle sous la terreur, très soigneusement composée, se tient à distance égale de la com- plainte romanesque et de la synthèse historique. A vrai dire, Lénine (p. 51, un excellent instantané) et les dieux bolchevicks- n'apparaissent pas comme ayant très soif. Jusqu'au dénouement le héros et l'héroïne peuvent aimer sans être de corvée au balayage. Savinski n'est que tardivement arrêté, et pour atteinte évidente à la sûreté de l'Etat. Mais l'amour est anti-social, et, à ce titre, puni par l'âpre vertu de l'Institut Smolny. Une fois dis- parues « ces agitations qu'on appelle plaisirs », il ne reste plus que l'histoire de la Russie, et nous attendons encore qu'on nous conte véridiquement cette importante aventure.

PAUL MORAND

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��LES NOCTURNES, par Georges Imann (Grasset).

Le milieu des révolutionnaires russes — juifs pour la plu- part — réfugiés à Genève pendant la guerre, celui des diplo- mates et des espions, intercommunicants, sont évoqués avec une réelle puissance. Roman à clef peut-être, mais surtout roman d'aventures. La femme fatale et l'homme fatal dressés en pied par Imann ne s'oublient pas.

Il est dommage que le beau drame se change vers la page 200 en un mélo un peu vulgaire et qu'à la noble impartialité du romancier succède je ne sais quelle frénésie chauvine et réac- tionnaire. D'un coup ses héros d'une psychologie si nuancée jusque-là se transforment en pantins d'Ambigu : le Traître, la Repentie, le Jeune Premier, etc..

Ajoutons d'ailleurs que si, à partir de ce moment, le mérite du livre nous paraît décroître, l'intérêt n'en est pas diminué le moins du monde. On lira tout ce roman avec avidité.

Le gros détaut du livre, c'est sa forme. On peut être un bon romancier sans fignoler son style. Mais trop souvent M. Imann essaie de fignoler, il tombe alors dans la mauvaise littérature. Je ne crois pas qu'il devienne jamais un « styliste ». Il a assez de dons précieux pour se passer de celui-là. Qu'il n'essaie pas

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