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114 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pratique, puisque d'instinct la plupart des étrangers qui lisent Dante se la sont appropriée. Ne voir dans la. Divine Comcdie qu'un certain nombre d'épisodes lyriques, reliés par de fasti- dieux récitatifs, négliger de parti-pris la construction du poème, l'enchaînement des parties, la superposition des allé- gories, le contenu théologique et philosophique, c'est ne rien ajouter à la compréhension de Dante et c'est peut-être lui retrancher quelque chose. On pouvait attendre davantage de M. Croce ; mais il s'est borné à appliquer strictement sa méthode critique, sa conception de l'art purement lyrique, qui ne sort pas renforcée de cette confrontation avec Dante.

Que la poésie catholique de Dante puisse encore être puis- samment ressentie et que le grand poème chrétien soit encore un édifice solide et non pas un ensemble de belles ruines éparses, comme le voudrait M. Croce, il suffit pour s'en convaincre de lire l'Ode Jubilaire que vient de publier Paul Claudel.

Les futurs exégètes de Claudel, après avoir fait dans son génie poétique la part des tragiques grecs et de l'Extrême- Orient, auront à étudier l'influence de Dante sur lui. Influence de première importance parce qu'elle n'est pas adjonction, triais concordance, on serait par moment tenté de dire : réin- carnation. Claudel reconnaît en Dante ce qu'il y a de meilleur en lui-même : la massivité de la pensée qui ne consent pas à s'émietter dans l'analyse, la gaieté et l'ironie géantes, le didactisme lyrique.

Dans VOdc Jubilaire qui est du pur Claudel, il y a, malgré tout, comme un pastiche dantesque. Quiconque connaît assez bien la Divine' Comédie a par instant l'impression d'un simple centon. Impression fausse, i! n')' a presque jamais réminiscence^ mais seulement parfaite similitude ou désir de rivaliser. Et la grande strophe sur l'Italie (pp. 35-6-7) ne rivalise-t-elle pas vraiment avec tel passage du Purgatoire ou du Paradis ?

Regarde-la, eette colonne Italienne, comme un corps, cette terre longue et resserrée dans le soleil...

Pas un mot de verbiage, l'explication la plus chargée de sens du génie et du tourment dantesques, suspendus entre terre et ciel, et, pour la première fois chez Claudel, l'idée de

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