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202 LA ■N0UA':ELLE REVUE FRANÇAISE

effort analogue. L'exemple de Mallarmé n'a fait naître aucun chef-d'œuvre, le pays de la Prose pour des Esscintes n'a encore produit ni sa Légende des Siècles, ni sa Bovary. Mais il a suscité tout un mouvement d'exploration. Les possibilités de la litté- rature française ont été examinées et sondées. Les nombreuses écoles littéraires d'avant-guerre et d'après-guerre (si différentes, mais qui ont ce trait commun d'aller à l'extrémité de quelque chose, de représenter des paroxysmes) n'ont pas encore trouvé de trésor, mais elles ont retourné un champ. Si Mallarmé n'eût pas existé, ni Claudel, ni Apollinaire, ni Romains, ni Proust, ni Giraudoux, n'eussent été avec cette bonne conscience allègre (et un peu provocatrice), vers l'accomplissement de leur des- tinée particulière. Ils eussent cherché plus de compromis. L'influence de Mallarmé ne s'est pas exercée sur le contenu de la littérature, mais sur la manière de poser le problème litté- raire.

N'exagérons d'ailleurs pas cette restriction. Si l'influence de Mallarmé nous apparaît surtout comme une influence formelle, qui modifie l'atmosphère plutôt que les objets littéraires, il ne faut pas oublier qu'il a laissé un héritier direct, qui est Paul Valéry. Or Valéry est peut-être le moins discuté des poètes d'aujourd'hui. Tous ceux qui parlent de ses odes s'en déclarent les admirateurs. Et si les formes les plus récentes de sa poésie ne procèdent pas directement de Mallarmé, ce n'en est pas moins le doigt de Mallarmé qui lui désigne silencieusement la cime et l'air raréfié où atteindre. L'hommage à Valéry com- porte, qu'on le veuille ou non, un hommage à Mallarmé. Quant à l'influence positive exercée par Un Coup de Dés (exhumé en 1 894 du tombeau de Cosmopolis) sur les essais de poésie ou de prose littéraire ou calligrammatique, elle n'adonné que des curiosités de bibliothèque, qui font passer quelques quarts d'heure agréables, mais dont aucune ne rappelle évidem- ment en quoi que ce soit le caractère presque tragique de cet admirable poème.

L'influence de Rimbaud a été aussi difterente de celle de Mallarmé que les deux auteurs étaient eux-mêmes diflerents. Mais l'un comme l'autre a aujourd'hui son représentant, son héritier direct. Si Mallarmé getiuit Yzléry, Rimbaud getiuit Claudel. Et ce n'est pas un hasard si la gloire est venue à

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