Page:NRF 18.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LES REVUES 2$^

premier, écho. Des considérations fort intéressantes qu'il allé- guait pour fortifier la thèse d'André Gide, nous nous permettons de détacher ce qui suit :

Proscrire un grand écrivain, un grand penseur, ou plus générale- ment, une grande littérature pour des raisons de nationalité, c'est vou- loir s'appauvrir et s'anémier l'esprit. Se replier étroitement sur soi- même, fermer ses fenêtres aux souffles du dehors, vivre dans cette atmosphère de chambre de malade, c'est pour un peuple, si bien doué soit-il, se condamner à une décadence plus ou moins rapide, mais iné- vitable. La France ne l'a jamais fait, pas même à l'âge classique et sous Louis XIV. Le nationalisme est une sottise moderne, née en Allemagne, et qui aurait bien dû y rester.

Et plus loin :

C'est un danger pour la civilisation française que la campagne con- tre Goethe, Kant, Hegel, Schopenhauer, Nietzsche, Wagner, contre la langue, la philosophie et la musique allemandes, qui ont utilement contribué à la formation de beaucoup de nos artistes et de nos écri- vains. Bien entendu, il ne faut jamais accepter naïvement et sans con- trôle tous les produits d'importation. L'esprit critique garde ses droits. Mais la xénophobie intellectuelle est une variété de la manie du sui- cide.

Un peu plus tard. M, Fortunat Strowski s'étant prononcé dans la Renaissance du 12 novembre contre tout commerce intellectuel avec es Allemands, M, PaulSouday est revenu cou- rageusement à la charge dans Paris-Midi et a défendu de nou- veau en termes excellents la cause du bon sens :

Même si l'Allemagne avait des accès de nationalisme intellectuel, plus excusables du reste chez les vaincus que chez les vainqueurs, nous devrions marquer le coup, mais ce ne serait pas une raison pour imiter cette sottise. C'est au surplus en l'imitant que nous ferions son jeu. Pour jouer une bonne partie de nationalisme, il faut être deux. Chaque nationalisme s'entraîne et s'excite au contact de l'autre. Asi- nus asinum fricat.

(On peut même dire : a besoin de l'autre pour s'exciter et lui est reconnaissant de toutes ses manifestations. Voir l'article de M. René Johannet sur Curtius et Klemperer dans la Revue Universelle du i« décembre.)

Ce qui gênera et déconcertera le plus les chauvins allemands, ce sera que nous restions bons européens et imperturbablement attachés à la

�� �