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Page:NRF 18.djvu/29

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LE JEUDI DE BAGATELLE

��Divis la plaine de Bagatelle, où les écoliers du jeudi jouent au ballon. La fin d'octobre. Après la guerre.

Moi, arrivant. — C'est terrible, mon cher abbé ! C'est une provocation ! Toute cette plaine est aux mains des hommes noirs.

L'abbé. — Je ne sais quel hasard, ou quelle convention tacite, livre chaque jeudi en entier ce grand terrain de Bagatelle aux seules maisons d'éducation catholique. On me dit que le recrutement des équipes de ballon est aujourd'hui assez difficile dans les lycées ; les élèves iraient le jeudi au dancing. Voici peut-être une demi- explication.

Moi. — J'aime ce lieu, j'aime ce lieu. Souvent^ lors- qu'un long matin je suis resté courbé sur ma table, le brusque besoin de la vie me prend, vif comme la colère ou la soif. Alors, en trois minutes, le frais petit tramway nous transporte, mon chien et moi, de Neuilly jusqu'à ce plein air : cette proximité du Bois me donne sans cesse ce qu'il me faut de temps perdu pour ne pas perdre ma vie. Je n'ai pas aperçu vos soutanes qu'aux visages des garçons qui s'acheminent j'ai reconnu de petits catholiques, comme on peut le faire encore, les dimanches matin, à la pous- sière des bancs de catéchisme sur leurs genoux nus. Avouons toutefois que j'avais davantage de mérite lorsque, à seize ans, je distinguais à leur tournure, dans mon collège, les élèves qui « faisaient » de l'anglais et ceux qui

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