Aller au contenu

Page:NRF 18.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE JEUDI DE BAGATELLE 3I

le silence est une des conquêtes de la quatorzième année. Effrayant silence de cet âge, tellement universel, tel- lement régulier que lorsque vous verrez côte à côte un gar- çon et un homme dans la rue, s'ils ne s'adressent pas la parole, il suffit : vous savez que c'est le père et le fils. O mornes promenades du dimanche, jamais connues de moi, mais tant de fois rencontrées : le père et la mère et loin d'eux, se traînant, le plus loin possible, comme physique- ment répugné par leur vue, leur fils au visage éteint qu'ils- abandonnent et qui les a en horreur. Il fait sa vie et les en exclue. Lycéen, il la fait dans le monde extérieur, élève d'un collège religieux, il la fera le plus souvent à l'intérieur du collège même, parce que ce collège a l'âme envahis- sante. Désormais c'est le collège qui devra contenir, perfas et nef as, tout ce qui va naître de lui. C'est pourquoi, dans telle de ces maisons, j'ai vu bien des élèves sangloter à l'ar- rivée des grandes vacances. C'étaient les mêmes qui pleu- raient à la rentrée quand ils avaient dix ans.

Ah ! ne disons pas, comme vous le disiez tout à l'heure pour l'âge ingrat, que nous sommes dans une loi de la nature. Lâche refus d'agir, voilà ce que je vois dans ces sortes de « lois » là. Quoi que j'aie dans le cœur, le mot de bonté est un mot que je ne prononce jamais ; ce n'est pas pour aimer le voir sur les murs. Eh bien, cependant, quand je passe avenue de la Motte Picquet devant ce dis- pensaire qui affiche en grosses lettres : « Soyez bons pour la jeunesse », je songe qu'il suffirait de cette bonté, avec dedans ce qu'il faut d'intelligence pour que tout vaille, et caduque serait votre loi de la nature !

L'abbé. — Une bonté qui guérit en « créant de la crise » ! Car c'est cela que vous proposez aux prêtres éducateurs. Vous vous souvenez que c'est le second point sur lequel je voulais vous interroger. Et je ne l'accorde pas du tout avec ce que vous venez de dire d'une crise qui m'a l'air de pou- voir se passer fort bien de cette création .

Moi. — Quand vous étiez petit, mon cher abbé, s'il

�� �