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Page:NRF 18.djvu/375

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NOTES ' ^6^

constater combien vite un demi-silence se fit sur les choses de la guerre, ou tout au moins quel changement se produisit dans la façon d'envisager les problèmes qu'elle posait. Dès 191 6, le titre seul des ouvrages lancés annonçait déjà un revirement. Comme si l'unanime mouvement de 19 14 n'avait été qu'une spéculation, comme si sa grandiose faillite eût alors paru évi- dente, il n'intéressait plus ceux dont Rivière a dit la prodigieuse faculté d'oubli. Les écrits nouveaux sortaient volontiers de l'ordre lyrique. Orientés en masse vers l'examen des faits pas- sés, ils trahissaient un besoin de retour sur soi, un lent réveil de l'esprit critique. La Prusse, s'il était encore souvent question d'elle, s'y trouvait passée au crible. Aux manifestes de la foi, de la certitude, succédaient ceux du doute. Gœthe au lieu de Bis- marck redevenait pour quelques-uns le héros, et chaque année c'est un vers de lui que les éditeurs de l'Insel mettaient en épi- graphe à leur catalogue, un vers exhortant à reconstruire après avoir détruit, ou à espérer, tel Epiménide, du fond de la douleur. Espérer, se reprendre, refaire, le mot d'ordre était général Diedrichs et Fischer aussi bien que l'Insel annoncèrent leur intention de contribuer au nettoiement, à la purification, désor- mais nécessaires, de l'esprit allemand.

Et sans doute faut-il louer de ce courage ceux qui naguère ne doutaient point d'eux. Reste pourtant qu'ils continuent de croire à leur mission, modifiée en ce sens seulement que l'esprit y aurait plus de part. Mais toujours l'esprit national. Et, il faut le craindre, toujours hypnotisé par l'idée d'organisation, pas encore délivré du moule ancien, pas encore libre. On n'a pas impunément cru, pendant un quart de siècle, tenir les matrices de la civilisation ; l'attitude d'accoucheurs de mondes nouveaux est devenu habitude. Elle reparait chez ceux qui travaillent à constituer une énorme bibliothèque de la sagesse d'Extrême- Orient, pour ravitailler, régénérer l'univers. Et c'est, autant qu'une tendance au cosmopolitisme, qu'une volonté de « rebâ- tir la civilisation mondiale », un oeu de la sufiisance de l'ère impériale qui pousse YInsel, fière de donner un signal de rallie- ment aux navigateurs dispersés par la tempête, à éditer trois collections nouvelles : Pnudora — Bihlioihcca Mundi — Lihri libroniin — où les œuvres de toutes les littératures sont publiées dans la langue originale, de sorte que l'on peut — au cours du

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