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LES REVUES - 381

Ta bouche est ivre et se crispe au passage D'un jeune dieu qui t'invite au baiser Pour s'effacer à l'approche des lèvres.

L'horizon vibre, et les formes s'allongent Comme un filet qu'on lance sur la mer Et qui s'étale avant de retomber.

Hérisse-toi de flammes et de bruits, Sans autre amour et sans autre désir Que du présent où plongent tes naseaux.

Laisse ta chair, au souffle des musiques, Se dévêtir et fondre avec délice En un vertiç[e où ton dnw renaisse.

Ferme les yeux, et puise à cette noce,

Dont la lueur éclabousse les deux

Un bref tourment, meilleur que le plaisir.

f'irai sans toi, le long des rues désertes. Fouiller, d'un œil ébloui de silence, Le monde obscur par delà les lumicres.

��SUR MARCEL PROUST

Détachons d'un ingénieux et fin article de M. René Rous- seau : Marcel Proust et TEsthétiqiic de Vinconscient (Mercure de France, 15 janvier 1922) les passages qui suivent :

Marcel Proust s'est employé à découvrir, sous les étiquettes appli- quées aux mobiles humains, et qui les confondent sous les noms à'ava- rice, d'ambition, de vanité, de jalousie, etc., le travail préparatoire et sourd qui les explique. Il est allé au bout du problème ; parti de la solution, il en a retrouvé la donnée. Au fond des manifestations bruyantes ou méchantes de ses contemporains, il a vu le petit cinéma actif, fébrile, de leurs désirs dramatisés. Il s'est dit qu'un acte gétiér eux, égoïste, vain, déloyal, luxurieux, était considéré pour tel par une per- version naturelle du jugement et une inclination irrésistible de l'habi- tude, mais qu'il répondait avec la véracité d'une réplique aux images qui passent dans la chambre noire de notre âme. Délicatement, scrupu- leusement, avec une volupté spéciale et un peu équivoque, il a examiné ces images au microscope. Et, tout de suite, au premier examen, il a dirigé son objectif sur l'appareil de mensonges dressé au seuil de nos passions

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