Page:NRF 18.djvu/39

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE JEUDI DE BAGATELLE 3J

dans le fond ils n'ont qu'une espérance et — X'^^^"' x-.vS'jvoç — un beau risque. Ces hommes sont le corps du christia- nisme, ils le soutiennent, ils le propagent, dans une grande mesure ils le vivent, — de bonne foi, sans la foi.

L'abbé. — Paradoxe !

Mol — Paradoxe, certes. Mais boutade ? Aussi bien laissons cela, qui n'est ici nullement nécessaire. Cette réserve faite, vous paraît-il que j'ai défini justement le but de l'éducation catholique ?

L'abbé. — Cela me paraît.

Mol — Voici donc, en face de vous, ce but. Sous vous, une matière vierge, malléable, où tout va marquer et parfois à jamais. Et vous enfin, prêtre, avec tout pouvoir.

L'abbé. — Si les parents vous entendaient !

Mol — Eh bien ? Ils auraient mis leur fils au lycée, s'il ne fallait que lui faire réciter des leçons. Ils le mettent chez vous pour qu'on exerce sur lui une influence, avec tout ce que cette chose comporte de risques. Dans le cas où ils le mettent là, comme autre part, simplement pour qu'on ne le voie plus, eux-mêmes conviennent tacitement qu'ils renoncent à tenir leur rôle.

L'abbé. — Tout en en gardant jalousement les préroga- tives. Mais continuez...

Mol — Quel est le meilleur moyen pour atteindre ce but, avec cette matière ?

Si vous versez de l'huile sur de l'eau, sans plus faire, elles ne se mêleront pas. Si vous voulez que l'eau s'im- prègne, il faut battre. Si vous voulez que Dieu imprègne les âmes, quand Dieu est là tout autour, dense et délié comme il ne le sera jamais plus, battez les âmes.

Il est bien entendu que je ne vous parle ici que de can- didats à la vie raisonnable, et qu'il ne s'agit que de l'édu- cation des garçons. Il y aurait imprudence à livrer des filles à une vie sensible qui plus tard ne doit pas avoir de con- trepoids.

L'abbé. — Battre les âmes ! Dites le donc carrément,.

î

�� �