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Page:NRF 18.djvu/434

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faire pardonner son manque d’éducation et sa famille…

La riposte trop longtemps retenue part avec une impétuosité maladroite :

— Pour se faire pardonner tout ce que vous dites, il a ceci qu’il s’est fait tuer !

— Évidemment…

— Eh non, ce n’est pas évident, sans quoi sa place ne lui serait pas contestée. Mourir n’est pas un sacrifice comme un autre.

— Pensez-vous me l’apprendre ? réplique glacialement M. de Pontaubault.

La crevasse s’est ouverte entre eux si soudainement qu’ils sont presque aussi surpris l’un que l’autre de se trouver sur les bords opposés. Celui qui tantôt mettait toute son application à rentrer dans les habitudes de l’obéissance, s’est dégagé d’un bond ; et l’autre est forcé de mesurer la distance qui sépare la subordination véritable de ses plus généreuses contrefaçons. Mais étant celui qui a le plus à perdre, le général est aussi le plus prompt à se ressaisir :

— Croyez bien, mon ami, que je serais le dernier à vouloir amoindrir le sacrifice de mon neveu. Je vous supposais plus de sang-froid. La mort est toujours un scandale, mais depuis qu’il y a des hommes et qu’ils meurent…

La bonhomie reste sans prise.

— Cette mort-là, mon général, est d’un ordre particulier.

— En êtes-vous sûr ?

— S’il était revenu, songeriez-vous à l’éliminer de votre famille ?

— J’aurais le droit de trouver votre question impertinente. J’y réponds cependant. Oui, je souhaite que ma nièce ne passe pas dans les larmes le reste de sa vie. C’est une des grandes lâchetés contemporaines que cette disposition à voir dans la mort un événement tellement monstrueux qu’on refuse de la regarder, qu’on la cache à ceux qui s’en approchent, qu’on déclame contre elle, qu’on