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Elle demande aussitôt :

— Est-ce qu’il vous a jamais laissé entendre ?… On a parfois chez nous la parole si vive… Il pourrait avoir cru sentir un reproche… Il pourrait en avoir souffert sans le montrer…

— Je n’ai aucune raison de le croire. Mais je sais combien ceux qui sont raffinés depuis longtemps rendent malaisément justice à celui dont la culture est plus récente.

— C’est vrai, dit Clymène. Pourtant si vous saviez à quel point mon père a souci d’être juste. Je ne voudrais pas vous donner des miens une idée qui vous fasse mal penser d’eux.

— Je pense du bien d’Heuland ; c’est tout. Je pense qu’il apportait dans votre famille quelque chose de neuf, de jeune, qui lui venait de son milieu et de ce qu’il y a d’esprit scientifique dans les applications d’une industrie mécanique. Il avait peut-être autant à donner qu’à recevoir.

Devant la surprise que marque un instant Clymène, il craint de ne pas s’être fait comprendre :

— Je veux dire qu’un certain tour d’esprit créé par le maniement des affaires, et qui peut n’être pas fort riche en lui-même, agit comme un ferment véritable là où les idées ont toujours procédé d’habitudes toutes différentes. D’abord il choque ou surprend…

Elle l’interrompt avec chaleur :

— Je comprends bien… Oui, je saisis… Seulement c’est un raisonnement que jamais je n’avais entendu formuler ni par mon mari ni par personne de son entourage. Vous voulez dire, n’est-ce pas, que des habitudes de pensée très différentes des nôtres peuvent nous apporter ce qui nous manquait, et qu’elles nous heurtent nécessairement, dans la mesure même où elles sont neuves et salutaires pour nous.

Elle reste absorbée, puis reprend :

— Comment se peut-il qu’une idée pareille, qui nous semble évidente dès qu’on nous la propose, nous n’ayons