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Page:NRF 18.djvu/455

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vénération, et aussi, délibérément, pour aider au roulement de la machine. Aujourd’hui c’est un peu différent… Il m’a fallu venir ici pour m’apercevoir que j’avais changé… C’est qu’aussi l’injustice est trop blessante. Heuland a tout donné : trente ou quarante ans sur lesquels il pouvait compter de lumière, de bon sommeil, de joie à manger et à respirer, avec tout ce qu’il avait en outre de bonheur, et l’on vient lésiner sur la reconnaissance, lui disputer le peu de place qu’il occupe encore ! Notez que le général de Pontaubault l’eût accablé d’excuses s’il l’avait seulement bousculé dans une porte ou frustré de deux sous dans le règlement d’une partie de bridge. Qu’il lui laisse donc sa mort qui est belle, et qu’il respecte toutes les raisons, même les plus fragiles, qui peuvent le maintenir près de votre pensée.

— Une seule personne, dit Clymène au bout d’un instant, m’a jamais laissé voir, oh bien timidement, les mêmes préoccupations que vous. C’est un brave homme de l’usine, qui tenait en ordre le petit atelier de mon mari et souvent lui donnait un coup de main. Il a cru qu’on allait tout disperser et s’est armé de courage pour venir me dire : « Si chaque chose reste à sa place, ça vous donnera de l’aide pour vous le rappeler. » En dehors de ce pauvre vieux, tous ceux qui m’ont témoigné de la sympathie ne parlaient que de consolation, c’est-à-dire d’oubli. Et une conjuration tacite s’est formée tout autour de moi, entre gens qui n’avaient jamais pu s’entendre sur rien, mais qui se trouvaient tous d’accord pour m’aider à triompher des scrupules, pour prendre sur eux le blâme des infidélités progressives… Et trois années s’écoulent avant que, par hasard, un de ses camarades s’égare sur cette plage, se laisse attendrir par la bonne mine d’un petit garçon et m’adresse, à l’instant de s’en aller, quelques phrases courageuses.

Vernois répond avec un peu d’embarras :

— Je partais, pour ne pas avoir à vous tenir le langage qu’eût souhaité le général. Mais puisque la consigne est