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Page:NRF 18.djvu/488

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482 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

horreur de ces coups d'encensoir qu'on se prodigue aujourd'hui entre gens de lettres, de ces témoignages d'admiration qu'on se donne mutuellement si facilement. C'est encore, à ce propos, un de ses mots : « On se demande vraiment, devant tous ces encensements, lequel est le plus niais de celui qui les prodigue ou de celui qui les reçoit et s'en regorge. » Ce quelqu'un dont je parle écrit. Il paraît que ce qu'il écrit a quelques lecteurs. Au nombre de ces lecteurs se trouvent des gens qui écrivent eux- mêmes. De temps en temps, quelques-uns lui envoient un livre qu'ils viennent de publier. C'est ainsi, l'autre jour, qu'il reçut un nouveau roman de M. Léon Werth et un petit livre fort agréable de M. Emile Sedeyn. Chacun de ces volumes com- portait un envoi. M. Léon Werth avait écrit : a A , son

admirateur. » M. Emile Sedeyn : « A , un de ses lecteurs. »

Ce quelqu'un que je connais trouva là l'occasion de montrer une fois de plus ce qu'il pense des faciles compliments qu'on prodigue aujourd'hui. Il le dit à un ami de M. Léon Werth. « Est-ce que Léon Werth se moque de moi ? Me croit-il niais à ce point ? Ou s'il est sincère, a-t-il si peu lu et ne connaît-il rien, ou est-il si peu difficile, pour que ce que j'écris lui paraisse ainsi admirable ? » Au contraire, l'envoi de M. Emile Sedeyn lui plut beaucoup. Cette simplicité, cette brièveté le ravirent. On n'est pas toujours sûr d'avoir des lecteurs. S'en découvrir un et qui vous le dit avec cette bonhomie et ce naturel, est un vrai plaisir.

Le Misanthrope, c'était encore Remy de Gourmont, comme je l'ai vu. Celui-là non plus n'aimait pas beaucoup les compli- ments, les flatteries, ni certaines sociétés, ni les gens qui vien- nent se jeter à notre tête et n'avait que de la timidité et de l'embarras devant ceux qu'il ne connaissait pas. Au Mercure, un soir, dans mon bureau, que nous étions là à bavarder comme nous le faisions chaque jour, quelqu'un entra. C'était M. Vic- tor Barrucand. Il reconnut Gourmont. Sans doute heureux de cette rencontre et de se faire connaître, il s'approcha, face à hiï. Il s'inclina, son chapeau à la main : « M. de Gourmont.... Je suis M. Victor Barrucand. » Gourmont leva à peine la tête, se souleva et son fauteuil en même temps en le tenant des deux mains, fit un demi-tour et se rassit le dos tourné à l'importun, sans avoir dit une syllabe.

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