… te dira tout sur moi, Sacha, ma chère amie. C’est difficile. Un grand accablement, voilà ce que je ne puis pas ne pas éprouver. Le principal — ne pas pécher — et là est la difficulté. J’ai été un pécheur, je continue de l’être, c’est évident ; mais que je pèche de moins en moins !
C’est cela le principal, ce qu’avant tout je désire pour toi. D’autant plus que, je m’en rends compte, tu as à résoudre un problème horrible, au-dessus de tes forces, à l’âge où tu es. Je n’ai pris aucun parti, je ne veux prendre aucun parti. Tu verras par la lettre à Tchertkov[1], je ne dis pas ce que je pense mais ce que je sens. Je compte beaucoup sur la bonne influence de Tania[2] et de Serioja.
Puissent-ils surtout comprendre et chercher à lui[3] faire entrer dans l’esprit que pour moi cette manière d’être tout le temps à l’affût et aux écoutes, ces reproches incessants, cette façon de disposer de ma personne à sa guise, cette éternelle surveillance, cette haine affectée pour l’homme avec lequel je suis le plus intime et qui m’est le plus nécessaire, cette haine pour moi et cette comédie d’amour — que tout cela, je ne dis pas, m’a rendu la vie désagréable, je dis nettement impossible, et que pour ce qui est de se noyer, ce ne serait pas à elle mais à moi ; que je ne désire qu’une chose — être libéré
- ↑ Sur Vladimir Grigoritch Tchertkov, voir Correspondance de l’Union pour la Vérité, n° 4, 1er janvier 1911, p. 207. C’est lui dont Tolstoï écrit quelques lignes plus bas qu’il est son ami le plus intime et l’homme qui lui est le plus nécessaire.
- ↑ Tania, diminutif de Tatiana, fille aînée du Comte. Sérioja, diminutif de Serge, son fils aîné.
- ↑ À Sophie Andréievna.