Aller au contenu

Page:NRF 18.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous remercie, monsieur, encore une fois pour votre livre qui m’a vivement intéressé, tout y est vrai et sincère[1]. J’espère que cette lettre vous trouvera à Pétersbourg et que vous me procurerez le plaisir de venir passer quelques jours à Chamordino comme vous le dites dans votre lettre.

SŒUR MARIE TOLSTOÏ

DERNIÈRE NUIT À IASNAIA POLIANA
(21 octobre 1910)
récit de michel novicov, paysan[2]

Le monde est orphelin : l’homme qui depuis 20 années, après avoir renoncé à vivre pour lui-même, luttait avec l’injustice de la vie et pour nous tous cherchait quel en était le sens et le but — cet homme là n’est plus. Quelle douleur, quelle amertume ! C’est comme si on avait arraché un morceau de mon cœur, comme si en moi quelque chose s’était brisé, s’était détaché, s’était cassé.

Tant qu’il vivait on avait chaud à l’âme, on sentait en lui je ne sais quel soutien invisible. Il y avait dans le

    dit quand elle est arrivée, pourquoi il est parti si subitement, personne — je ne lui ai même pas dit adieu, — ni moi-même ne le sait. Je ne peux plus écrire.

  1. Cf. Documents sur les derniers jours de Tolstoï. Article de la Correspondance de l’Union pour la Vérité, 1er janvier 1911, no 4. Signé C. S. et D. H.
  2. Michel Novicov, paysan. Novicov est un paysan petit propriétaire du Gouvernement de Toula. Il apprit à lire à Moscou, où il fit son service militaire, à l’école du régiment. Il a raconté dans un article Lettres d’un paysan publié par M. Serguiéenko (Almanach tolstoïen international de 1909) trois visites qu’il fit à Tolstoï. Novicov a écrit des récits populaires dont la fraîcheur naïve séduisit le grand écrivain. Léon Nicolaïévitch voyait en Novicov non seulement un disciple mais un confrère. Boulgakov, secrétaire dévoué et discret de Tolstoï, note dans son journal (Chez Tolstoï la dernière année de sa vie), à la date du 22 octobre 1910, que Tolstoï lui a dit : « Novicov le paysan est venu. Vous savez qui c’est ? Comme il est intelligent !… »