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et il n’y a plus eu de paix. Quant à vous arriver à deux ou trois dans votre maison de paysan, faire toute une histoire pour vous dire : bonjour ! et une heure plus tard : adieu ! — pour vous cela aurait été une gêne et pas plus, mais pour moi, tout simplement, une bêtise sans raison d’être. »

Il y eut un moment de silence.

Je dis : « Léon Nicolaïévitch, laissez-moi vous parler de quelqu’un » — je nommai la personne — « de quelqu’un que vous connaissez comme moi — et ce que j’en dirai n’est pas pour vous froisser, n’est-ce pas ? Vous le savez, sa femme était alcoolique. Elle a eu pendant 20 ans des accès pendant lesquels elle buvait une semaine, deux semaines et même plus que ça. Vingt ans il porta cette croix et il se disait toujours que sa femme finirait par avoir pitié de lui. Tant qu’il a été un sot, il a fait dire des prières, il achetait des images saintes pour l’église, il allait en pèlerinage dans l’espoir que Dieu corrigerait sa femme de son vice : mais les accès étaient de plus en plus prolongés : l’année dernière il n’y tint plus. Il prend son fouet. Et d’y aller deux fois sur la soularde. Eh bien ! l’effet obtenu a été plus efficace que celui de l’intervention des saints. Elle a presque cessé de boire ; quant aux accès — plus question. Et avant, il avait beau la prier, il avait beau la supplier ! Chez nous, dis-je, les querelles avec nos babas[1] ont une conclusion des plus simples — quant à des accès de nerfs, ça n’existe pas. Je ne suis pas, dis-je, partisan du fouet et jamais je n’y ai eu recours. Mais on ne peut pas cependant en passer par tout ce que veulent les babas. »

Léon Nicolaïévitch rit de bon cœur ; il appela Douchan Pétrovitch, lui raconta ce que je venais de dire, puis l’ayant prié de retourner dans sa chambre, il me parla avec simplicité et franchise :

    et de Toula. Tolstoï y chercha le repos du 15 août au 22 septembre 1910.

  1. Paysannes.