6o6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Puis intervient le laboratoire où le chimiste dose, isole, com- bine et dénature. Puis l'usine où les essences les plus diverses sont à leur tour associées et contrariées, où sont créés les par- fums de grande marque. Enfin les boutiques renommées où, dans un décor de chapelle, les flacons incantatoires sont délivrés aux belles mains patriciennes par les fines vendeuses, nées dans les quartiers ou\Tier3 pour les labeurs de luxe et la salacité des oisifs.
Devrons-nous regretter que Pierre Hamp ne se soit pas con- tenté des ressources naturelles et innombrables que lui offrait un pareil sujet ? Il ne s'est pas avisé que le l.yri9me spontané de son thème en était le principal danger. Entraîné par lui, il ne s'est pas défendu contre la tentation d'introduire une histoire d'amour dans une histoire où déjà les graisses et les pétroles rivalisaient avec les œillets et les jasmins.
Histoire d'amour ? Tout au plus une aventure d'épiderme. Nous en déplorons la présence d'autant plus que la langue de Pierre Hamp, rugueuse et brillante, manque des registres que demandent la volupté des sens et celle de l'esprit. Peut-être comparable en cela à la musique de Vincent d'Indv, elle est plus à l'aise dans l'expression de la force ou de la mélancolie ; l'ironie, la pitié ou l'indignation l'inspirent mieux que la tendresse.
Pierre Hamp a en outre adopté, pour la première partie de son ouvrage, une composition qui n'est pas sans évoquer celle de la Mandragore ou de la Cavalière Eisa ; le motif voluptueux réapparaît en incidentes régulières ; il rompt, à la manière d'un rappel et d'une obsession, la chaîne des chapitres narratifs. Le procédé reste trop visible. Tant de coucheries répétées nous blasent. Les plus belles nudités fatiguent quand elles sont prodiguées.
Transportée à Paris, et rhabillée, l'héroïne nous agace par son insignifiance spirituelle. L'auteur se montre un peu naïvement ébloui par le luxe dont il se plaît à l'environner ; telle salle de bains, décrite avec une minutie lyrique, nous fait sourire. Un repas sardanapalesque termine le roman ; il marque la suprême péripétie de cette Histoire d'un Flacon d'Odeur ; trop fidèlement inspiré de ces repas fameux où les journalistes et les clercs de notaire font assaut chez Balzac de brio, de traits et de paradoxes
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