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634 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

malgré l'opposition de quelques rapporteurs aux Beaux-Arts. Je ne voudrais faire ni le prophète, ni le pédagogue, mais il est certain, il est probable, si l'on veut, qu'une telle mesure peut nuire gravement à l'éducation artistique de la jeunesse. Vrai- ment, on oublie trop le jeune homme pauvre, qui n'a pas toujours la chance de rencontrer un Octave Feuillet pour le célébrer.

La République n'encourage pas les arts. Elle ne protège pas les poètes, mais si elle se refuse à leur accorder gratuitement le pain du corps, veut-elle encore leur faire payer le pain de l'Esprit ? On m'a dit que cette nouvelle taxe ne jetterait pas dans les caisses de l'Etat plus d'un million de francs chaque année. Je n'ai pas d'opinions politiques et je me soucie peu du contrat social, mais je regrette qu'un Gouvernement songe à prélever un impôt sur la Beauté. Notre époque va bientôt ressembler à celle qu'imagina Guillaume Apollinaire, dans le Poète Assas- sine. Le laurier doit servir à la cuisine. On va sans doute cons- truire des machines à penser. La plupart des écrivains n'ont pour sujets d'entretiens et de méditations que les gros tirages, les milliers d'exemplaires vendus, etc. Une grande revue offre en prime à tous ses abonnés le livre d'un académicien, signé par l'auteur. Un faux Apollon se prostitue dans les tavernes. On se réunit chez M™^ Lara pour y tenir une conversation sur l'état présent de la poésie. La devise de M'"^ Lara, muse à' Art et Action, est qu' « il vaut mieux faire un faux pas en avant que de bien faire et de rester en place ». Au risque d'être peu galant, j'avoue que cette devise n'est pas la mienne. Je n'ai pas pris part à la conversation sur l'état présent de la poésie et je ne sais si l'on a trouvé qu'il était satisfaisant, mais tous ces faux pas qu'on fait faire à la poésie ne me paraissent pas la servir. Tel ou tel poète a en liberté » de qui le grand secret est d'ignorer la syntaxe et la grammaire ne me semble pas gêner la gloire des poètes du xvii^ ou des Romantiques. Tel autre, jeune poète perpétuel — je ne le nomme pas parce qu'il abuse du droit de réponse et que je veux épargner sa prose aux lec- teurs de la N. R. F., qui sans doute le reconnaîtront bien-- tel autre, cette année, revient à la Rose et pastiche Jean Moréas. Son disciple — il n'en a qu'un — le juge supérieur à Ronsard, à Malherbe et à Baudelaire. Faut-il s'irriter ? Pour combien

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