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REFLEXIONS SUR LA LITTERATURE 729-

piration élevée, est restauré en France depuis un demi-siècle. Et celui-là même dont le génie solaire nous a rendu la pure clarté de l'hellénisme est aujourd'hui dans tout le rayonnement de sa gloire et dans la vigueur de son influence : c'est Mistral... Il faut donc en prendre son parti, puisque c'est la vérité : la renaissance provençale provoquée par Mistral aura eu pour corollaire une renaissance du pur esprit français. » M. Carrère écrit de Rome et prend un peu son rêve latin pour une réalité. La poésie de Mistral, qui n'a subi à peu près aucune influence française, n'a non plus exercé aucune influence sur la poésie française. L'exemple de Mistral a eu un rayonnement politique, et il est curieux de voir l'auteur de la Comtesse et de Calendal, au fond si hostile à l'unité française et à la fiorure de la conti- nuité historique française, fournir au nationalisme français certains de ses éléments les plus élégants et les plus purs. Peut- être eùt-il fait la grimace si on lui avait expliqué comment, ici encore, le diable a porté sa pierre à Dieu. Mais, littérairement, ce n'est pas la Provence de Mistral qui a pu être francisée, c'est la Provence de Roumanille et de VArmana. Alphonse Daudet et Paul Arène y ont fort bien réussi. Leur Midi n'est pas tout le Midi, n'est peut-être pas le vrai Midi ; c'est en tout cas un Midi vivant, et qui a passé dans notre courant littéraire. Quant au grand Midi solaire qui illumine les intelligences, dissipe les erreurs, enfante les chefs-d'œuvre, restaure la tradition civili- satrice de la Grèce et de Rome, il reste un mythe oratoire pour les banquets de la Sainte-Estelle et les articles de journaux. « Après cette invasion d'idées troubles et de styles désordonnés que le romantisme avait précipités sur notre littérature en ouvrant, toutes grandes, par le Nord, la porte des barbaries tvmiultueuses, il nous fallait la purification de la Méditer- ranée et la vigueur réconfortante du soleil helléno-romain », dit M. Carrère. M. Maurras avait dénoncé en termes plus modérés « l'échancrure de Genève et de Coppet ». Mais enfin le Nord est là, avec ses portes et ses échancrures, avec ses ouvertures sur le Rhin, la Manche, le Léman. Il fait partie de la France. On ne peut pas le tuer. Paris est même, si je ne me trompe, une ville du Nord. Les Girondins perdirent la tête (qu'ils n'avaient déjà pas très solide) à vouloir le réduire à un quatre-vingt-troisième d'influence, et

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