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744 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

quatre-vingt-un-chapitresme paraissent tous l'œuvre d'un philo- sophe de métier, et de métier habile. Il existe évidemment une philosophie sans métier, chez les mystiques par exemple. Mais nous reconnaissons le métier de philosophe en Alain comme nous reconnaissons celui de marchand drapier en le père de M. Jourdain, expert en draps et qui en cède pour de l'argent. Je sais bien que pour être philosophe il faut dépasser le métier de philosophe (dans un pénétrant Eloge de Descartes, Alain désigne discrètement du doigt une des lignes par lesquelles on le dépasse, « encore solitaire lorsqu'il parle... />'). Mais on ne le dépasse que si on l'a, et, une fois qu'on l'a, certain automatisme nécessaire empêche qu'on le dépasse complètement. Et dire qu'en le lisant on pense plus au philosophe qu'à la philosophie, c'est vraiment faire l'éloge d'Alain comme Alain a fait celui de Descartes. albert thibaudet

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��OVIDE, POÈTE DE L'AMOUR, DES DIEUX ET DE L'EXIL, par Eniik Riper t (Colin).

Sous ce titre un peu grandiloquent, M. Ripert consacre une étude littéraire à un poète dont on ne parle d'ordinaire qu'avec une tiède bienveillance. On lui reconnaît le mérite d'une double facilité : facilité, pour lui, de ses vers qui paraissent se faire tous seuls ; facilité, pour nous, d'un latin dans lequel autrefois, dès notre cinquième, nous entrions de plain-pied. Joignons-y le mérite d'avoir traité d'admirables sujets. Ayant rêvé sur les Métamorphoses, que M. Ripert compare aux Mille et une nuits, il m'est arrivé une fois de commencer à les lire : elles par- laient plus à mon imagination avant qu'après. Ce qui nous plaît dans les Amours et l'Art d'Aimer c'est Rome au siècle d'Auguste plutôt qu'une vraie source de poésie amoureuse. M. Ripert s'est efforcé de mettre le plus haut possible le poète sur lequel il écrivait un livre. Il a réussi surtout à écrire ovi- diennement toutes sortes de choses ingénieuses, à faire d'aima- bles comparaisons (il a une bien jolie page sur le jardin de La Fontaine) et à bâtir pour Ovide un tombeau qu'il eût aimé. Il me permettra seulement de trouver tout à fait insoutenable sa manière de traduire les vers latins en vers blancs : l'hexamètre suivi d'un décasyllabe, forme barbare que n'a pratiquée aucun

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