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NOTES 99

reusement nécessaire. Et ce trait est, tantôt celui qui domine le caractère, mais qui, invisible à son entourage, guide son action sans y paraître, et reste dissimulé derrière une explication logique, mais étrangère et fausse ; tantôt un autre, moins puis- sant, qui ne marque pas la personnalité, mais révèle le seul côté curieux et digne d'intérêt d'un être effacé et commun. Un moraliste pénétrant, indulgent, non point gai, mais amusé, peint, à petits coups, sans efforts et sans fatigue (avec trop d'abandon, bien souvent, dans le style), ces petits portraits, qui ne sont point des miniatures. Veut-on connaître la remarque — non point neuve, mais enrichie de détails inédits — qui se propose à l'esprit? Les caractères présentent une suite apparente, et une autre, à peu près inverse et aussi vigoureuse, ensevelie sous la première. Que l'apparence soit à la fois logique et trompeuse, voilà tout le plaisant du monde.

LOUIS MARTIN-CHAUFFIER

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L'ÉVADÉ DE L'ENFER, par Jean Pellerin (Ferenczi).

Je rencontrai Jean Pellerin pour la dernière fois chez Bernheim, à l'exposition Dufy. Je lui demandai s'il projetait de faire paraître un recueil de vers. « Oh non ! dit-il, affec- tant de prendre une note, je prépare un roman..., pour vivre. » Ce roman, qui devait faire vivre, sans doute assez mal, un poète précieux et charmant, était peut-être l'Evadé de l'Enfer. Pellerin est mort depuis quelques mois, mais son roman ne nourrira pas sa mémoire. Il reste heureusement quelques vers de lui, que ses amis se lisent entre eux, évoquant ainsi les libations rituelles sur les tombes antiques. Ame légère, sois donc abreuvée de ton propre miel et de tes propres parfums, comme l'abeille qui sait prévoir l'infructueux hiver, et nous fait encore profiter de son épargne !

Que dire de l'Evadé de l'Enfer, banale aventure d'étoile de cinéma ? Il débute assez brillamment, selon les procédés à la mode chez les petits maîtres du roman contemporain ; il ennuie bientôt et ne se laisse plus lire dès la seconde partie. Pellerin, du moins, n'y montre pas les ridicules prétentions de quelques-uns qui se réclament de Balzac pour nous intéresser aux intrigues prosaïques de commis en goguette, de gens

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