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NOTES 103

état d'âme. Leur révolte était l'explosion d'une force interne cherchant à briser le moule allemand. Leur inspiration, celle de la Gôtterdammerung, une sorte d'ivresse extatique qui revient périodiquement en Allemagne et pour un jour fait succéder à l'engourdissement des longues servitudes d'apocalyptiques réveils : frénésie, joie et fureur mêlées, impatient besoin de détruire, d'être enfin libre, d'oublier pour recommencer selon de nouvelles données.

Mais ces extases sans objet défini ne durent guère, et si la guerre, puis la révolution purent un temps les alimenter, main- tenant elles laissent une sensation de vide. Depuis deux ans la fin de l'expressionnisme est annoncée par des esprits clair- vovants, un Rudolf Kayser, un Wilhelm Hausenstein, qui pré- voient, qui désirent une réaction intellectualiste. Après une révolution d'abord sentimentale, une critique qui ne sortait guère de la négation, l'intelligence tend à se débrouiller et à faire œuvre positive. Lyrisme et scepticisme sont insuffisants. La seule voie de salut, pense Keyserling, c'est que la critique portée à sa plus haute puissance se mette au service de la vie, qu'elle travaille à lui rendre une forme d'ensemble. Et l'effort du fondateur de l'École de sagesse de Darmstadt est surtout inté- ressant en ce qu'il tend à triompher du clair obscur où se com- plaît la pensée allemande, à échapper au danger de l'inexprimé, de l'inavoué, à conquérir de nouveaux domaines à la conscience et à v répandre une implacable lumière.

C'est dans ce sens que vont les efforts de l'importante revue fondée à Munich en 19 16 : dcr Neue Merkur. On y expéri- mente, et sous la double direction d'Efraïm Frisch et de Wilhelm Hausenstein, des lueurs commencent à y poindre qui éclairent le chaos. La vertu des explosions révolutionnaires n'est point niée ; mais au lieu de s'attarder dans la griserie qu'elles donnent, il faut mettre à profit la liberté rendue et reconstruire. Les derniers venus veulent retrouver une tradi- tion, sans retomber dans les cristallisations anciennes. Le pré- sent en ce qu'il a d'élaboré, voilà le point où se doit saisir la tradition. Une tradition n'est point chose définitive, arrêtée, morte ; elle est de la vie, elle aussi. Représentant dans l'évolu- tion générale l'élément de continuité, elle n'en participe pas moins de cette évolution. Elle n'est que le pouvoir de vivante

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