122 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
sique, pas de répétition du même sentiment. Selon le souhait de Jean Cocteau, la musique et la chorégraphie auront chacune leur signification propre et les deux arts simultanément évoque- ront des choses différentes...
Mais, voici les danseuses qui apparaissent. Et tandis que l'orchestre nous raconte l'innombrable et anonyme pulullement de l'Asie, le ronflement de « la roue de la vie », les bayadères en leur lent défilé, reprennent les danses figées sur les mu railles millénaires d'Angkor et renouvellent la procession hiératique des Apsaras impassibles. Leurs gestes semblent se mouvoir dans une atmosphère visqueuse, leurs membres ondulent comme des algues dans les profondeurs marines et leurs mains s'épanouissent comme d'étranges fleurs aux pétales mobiles... Ce sont des demi-déesses certes, mais les demi-déesses d'une religion panthéiste où les dieux eux-mêmes s'identifient à la nature, à la végétation exubérante et vivace des terres chaudes.
Avec ses danseuses de quinze ans, le roi Sisowath nous a en- voyé un peu de l'antique Asie...
J. C. PRIVÉ
��LE COURRIER DES MUSES.
Mérimée enfant perdit ses illusions pour avoir entendu ses parents rire derrière une porte mal fermée. Il avait pleuré, trop sensible aux reproches qu'on lui faisait d'une faute légère, pleuré peut-être ses dernières larmes. Il sut depuis ce jour-là fermer son cœur aux sentiments profonds. Il voyagea. Il écrivit rarement et sans trop croire à son génie. Il prit les femmes par plaisir et les quitta par ennui, même les plus dangereuses, George Sand pour qui Musset perdit sa jeu- nesse et Chopin sa vie, l'Impératrice qu'on chansonnait sous le nom de Badinguetie. Il fit de belles mystifications littéraires et grâce au masque de Clara Gazul, il put rire au nez du Romantisme. Mérimée, bien qu'il soit mort depuis plus de cinquante ans, vient d'être le héros d'une anecdote, ou à peu près.
Il v a trois mois, 1' « Atelier » de Charles Dullin donnait une matinée au Vieux-Colombier. On venait de jouer L'Oc-
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