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l60 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Je cherche la raison des choses. Elle aime les choses sans raison.

Les eaux bleues qui portent ma nage, j'ignorais ce qui les portait et j'avais peur d'un lit de vase. Je préférais la certitude des fonds élastiques et fermes.

Elle posait ses mains sur ma bouche pour délicatement m'ôter le souci d'être importun — si bien que je finis par m'écrier :

— Oui, tu as raison... Tu es Femme ! Je veux redire ce seul mot !

Un baiser claqua si clair à ce moment que je crus avoir mis le doigt sur le déclic d'un secret. Je fis jouer à nouveau le déclic. J'avais trouvé le mot qu'il faut. Je sus d'autres mots bourdonnants. J'en fis une ruche mielleuse. Elle ino- culait dans mes veines des voluptés régulières, mais écœu- rantes et douceâtres comme un sérum glucose. Je prenais l'affreux parti de ne connaître jamais d'elle que son corps et des murmures.

��*

  • *

��Pourtant j'eusse aimé la comprendre ou me rendre compte au moins du peu qu'il y avait à comprendre. Je fus bien stupéfait un soir. Elle fumait et se mit à parler. Je crus qu'il y avait une énigme dans ses paroles et dans les spires de fumée, un point d'interrogation. Ils n'existaient ni l'un ni l'autre. Lent à comprendre, je fus rapide à m'exal- ter. — Tu n'es pas sot, faisait-elle et tu me dois d'être moins bête. Tu ne t'exprimes plus par abstractions. Devant les mots que tu m'écris, tu ne mets plus de majuscules, mais tu manques d'imagination. Tu renifles les images à cent pas. Tu n'en éternues jamais. Sans doute, « la sève du printemps » nourrit l'étreinte de mes jambes, tu le répètes, c'est entendu... Tu exprimes à mon sein la «pulpe de je ne sais quel fruit » . Mais tu n'as d'armes à ton service que la chaude armure de mes reins... N'as-tu donc pu forger mieux ?

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