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Rhin, de son long voisinage avec la mer, nous fait imaginer l’afflux énorme que le voyage d’Orient, auquel il ne parait jamais avoir pensé, aurait apporté à son génie. J’ai essayé de montrer, dans mon Flaubert, comment et pourquoi la vie litté- raire de Flaubert se divisait si nettement en deux : avant et après le vovaoe d’Orient. Bien entendu tout le servum venus l’a suivi. Apprenant qu’un certain Louis Enault, responsable de vagues et vaseux romans, va partir pour la Syrie, Flaubert, dans une lettre, pousse un rugissement : « Il devrait être défendu de sor- tir, comme en Ruisie, à de pareils cocos ! On va encore nous apprendre une fois ce que c’est qu’une mosquée et un bain turc ! Malheur !… »

Jvîais certes Flaubert eût signé avec enthousiasme, en 19 14, une autorisation de sortie à M. Maurice Barres. « Je refuse la mort avant de m’être soumis aux cités reines d’Orient », écrivait M. Barrés, autrefois. Il a attendu jusqu’au printemps de 1914 pour se soumettre à Constantinople et à Damas. Des besognes nombreuses l’ont empêché de donner encore au Voyage de Sparte le pendant d’un Voyage d’Orient. En attendant voici le Jardin sur YOronte.

M. Barrès parait avoir été toujours hanté par une certaine image, séduisante et un peu livresque, de l’Orient. Et le cas, depuis Flaubert, et même avant, était d’un romantisme normal. Astiné Aravian, Arménienne, parait un mélange de la femme d’Orient et de ces figures de femmes russes, fort populaires pendant vingt ans dans les milieux littéraires. Et le Yo\agc de Sparte est placé en partie sous l’invocation du jeune Arménien Tigrane. Je ne sais jusqu’à quel point était profond l’orienta- lisme de M. Barrés, mais il semble bien qu’il le porte avec une mauvaise conscience, et en éprouvant le besoin de se défendre contre lui. Dans les Déracinés, si Sturel n’est pas content de lui- même, ne réussit pas, et s’enlise en de déprimants échecs politi- ques, vous pensez bien que ce n’est pas sa faute, mais, comme dans le métier militaire, celle de On. Et On ici s’appelle Astiné Aravian ei Boutcillier. Sturel a été stérilisé, sinon tué, par l’Orient et par Kant. Et même, par une singulière alliance qui n’a évidemment jamais existé que dans le monde de la litté- rature, les leçons de Bouteillier sur les philosophes d’Ionie se

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