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une pensée. Il se trouve heureux comme il est. Pauvre idiot. Le bancal, que fait-il dans tout ça ? Il se mouche. Il est assis dans la maison de Dolorès entre le pot de verveine et le calendrier des postes et télégraphes. Sa maîtresse tarde à rentrer. Voici l'impudique. Elle pousse un cri en reconnaissant Victor. Elle le croyait au jeu. Il la regarde dans les yeux. L'image d'Eugène Demolder n'en était pas encore tout à fait effacée. Mais le bancal ne reconnaît pas son rival. C'est alors que le vice à la langue de salpêtre fait son apparition entre les poutres du plafond, et descend familièrement s'asseoir sur les épaules du couple maudit, qui se livre près du foyer éteint à des jeux qui feraient baisser les yeux au diable s'il était de ce monde. J'aurais voulu que ma nourrice vît ça. Un petit enfant gémit dans la pièce voisine : Dolorès ignore le nom de son père.

Tandis qu'Eugène Demolder court la montagne à cueillir l'edelweiss, s'il y a une fleur diabolique c'est bien celle-là, pour orner le corsage de sa bien-aimée, Monsieur et Madame Demolder ses parents meurent de dénûment et de chagrin. Il n'a pas pu suivre le double convoi, Eugène, son amante rieuse avait ce jour-là envie de danser. On dirait un opéra-comique. Voici que la femme adultère montre à Victor une lettre du calfat. Victor, quoique qu'il ne sache pas lire, fait semblant de suivre par dessus l'épaule sur laquelle il pose son menton mal rasé. Ses bras enlacent la taille de Dolorès, et ses mains jointes s'exercent à la pratique démoralisante du tournement des pouces. Je sens qu'il va arriver malheur à quelqu'un :

Ma chère Doloresse,

Quand le temps n'est pas beau, il est vilain. Le plus salaud c'est les lames de fond. Je roule partout dans l'ombre de cales un million de pensées pour toi : comme des cigarettes .Dix pour les jambes, dix tu devines, dix pour les yeux, je trouve toujours