268 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
Heureusement la sensualité veille en lui, sèche, nette, ardente et qui sait, elle, à merveille, ce qu'elle veut. Ah ! sitôt qu'on la sent s'émouvoir en lui, quelle joie ! Comme immédiatement les mots se groupent, s'ajustent, s'en- tr'aident ! Comme ils vont vite et légèrement au but ! Comme leur sens revit et s'aiguise ! Comme leur dard reparaît !
j'ai grand besoin d'un prompt tourment :
Un mal vif et bien terminé
Vaut mieux qu'un supplice dormant !
Soit donc mou sens illuminé
Par cette infime alerte d'or
Sans qui l'Amour meurt ou s'endort ! '
Toute l'âme, en effet, du poète s'anime à la suite de cette piqûre physique ; elle s'ordonne, sans aucun secours exté- rieur cette fois ; elle ne se demande plus où aller; elle devient urgente comme le corps lui-même qui l'entraîne.
Et du même coup on voit se dessiner dans le poème un mouvement continu ; le désir lui communique sa douce perpétuité : et nous retrouvons cette sensation de progrès et d'instance, sans laquelle il n'est peut-être pas de vérita- ble poésie.
Comment m'empêcherais-je de recopier ici, à titre d'exem- ple et en guise de conclusion, cette délicieuse Fausse Morte, 2 qui me paraît bien être, en définitive, le chef-d'œuvre du recueil :
Humblement, tendrement, sur le tombeau charmant,
Sur l'insensible monument, Que d'ombres, d'abandons, et d'amour prodiguée,
Forme ta grâce fatiguée, Je meurs, je meurs sur toi, je tombe et je m'abats,
��i. L'Abeille, p. 2. 2. p. 24.
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